Oeuvre écrite en 1989, le Troisième Reich constitue une parfaite entrée dans l'oeuvre dense, complexe de Roberto Bolaño quand il contient en germe les thèmes et le style de l'enfant terrible de la littérature chilienne.
Hanté par le souvenir d'une femme, Udo revient en Espagne dans l'hôtel où il descendait avec ses parents enfant. Des vacances durant lesquelles il débute un journal et rédige un article sur son « sport », le Troisième Reich, un jeu de stratégie où il reconstitue les campagnes de la seconde Guerre Mondiale.
Lente et puissante, l'écriture de Roberto Bolaño parvient à transcrire les minuscules détails du quotidien qui finissent, accumulés et digérés par un psychisme fourmillant, par susciter une angoisse d'être comme si une brume peu à peu recouvrait le monde. La réalité se dissipe (ou bien révèle-t-elle justement son étrangeté) lorsque sont rendues poreuses les frontières entre le réel et le rêve, les fantasmes et le jeu ; tout comme on imagine qu'elles ont disparu pour Bolaño entre sa vie et sa littérature, envisagée comme activité totale.
Le Troisième Reich est un roman entropique. Son rythme lent de l'égrenage des jours conduit à un paroxysme diffus rejetant, comme l'océan finit par rejeter les corps, la vie et la vision d'Udo irrévocablement changées.