Écrite dans le sillage du référentiel Seigneur des Anneaux, La Trilogie des Joyaux, puis celle des Périls, forme l’une des pierres angulaires de l’œuvre de David Eddings : quoique davantage reconnu pour son cycle de la Belgariade, que ses amateurs semblent privilégier, cet auteur américain est à n’en pas douter l’un des meilleurs représentants de la (high) fantasy anglophone… bien qu’encore et toujours placé dans l’ombre du maître Tolkien.
Qu’importe au final, les aventures de l’ombrageux Émouchet (Sparhawk en version originale) ayant rythmé elles aussi une bonne partie de mon enfance, en faisant par voie de fait une alternative des plus sérieuses aux autres ténors du genre. Mais loin de moi l’idée de glorifier des souvenirs, d’autant qu’une nuance était alors déjà prégnante : car, et la relecture du Trône de Diamant ne le contredisant en aucun point, un mal profond (mais non rédhibitoire) habite les pages de The Elenium et The Tamuli… à savoir l’absence mécanique d’éléments perturbateurs efficaces.
L’impression n’est ici pas encore totalement actée, l’Éosie regorgeant encore d’une pléiade de secret, arcanes et territoires à explorer, mais elle subsiste. Malgré tout, nous retiendrons plutôt la cohérence du tout, qui sous la plume d’un Eddings loquace éveille notre intérêt de bout de bout : bien aidé par la prestance perceptible d’un Émouchet retors mais juste, Le Trône de Diamant constitue une entrée en matière des plus plaisante. Sa dimension surnaturelle se faisant pour le moment discrète, il préfère miser sur l’ébauche d’un univers rappelant fortement l’époque des croisades, des chevaliers et plus globalement du Moyen Âge terrien.
Nullement atteint de redite, cet univers emprunte plutôt à notre Histoire commune l’influence séculaire des religions, des jeux de pouvoirs et autres réjouissances d’antan (encore que) : sous un vernis fantastique et romancé forcément avantageux, l’ensemble forme un tout aussi dépaysant que familier, à ceci près que c’est bien son versant fictionnel qui mène savamment la danse. Des quatre ordres combattants à l’ostracisation des Styriques, le cadre de l’Éosie (mais pas que) suscite de belles promesses quant aux événements à venir, d’autant qu’Eddings (et Meistermann à la traduction) rend la chose des plus digestes, sans pour autant se départager d’un style, de lexiques et tics (le fameux « Voisin ») et autres néologismes étoffant le récit.
Qui plus est, en marge d’Émouchet, l’auteur maîtrise jusqu’ici parfaitement sa galerie de personnages principaux et secondaires, déjà bien touffue au sortir de ce premier tome : la sympathie est à l’ordre du jour, tandis que nous regretterons un semblant de manichéisme valant bien quelques nuances futures… sans omettre le fait que, malgré la pluralité et diversité des portraits dépeints ici, tous sont in fine de fins trublions concourant à leur manière à la sape du danger ambiant. Il y a aussi cette récurrence de « rôles » propre au genre de la fantasy, mais cela n’est en l’état pas rédhibitoire (loin s’en faut).
Au final, la surprise n’est pas forcément à l’ordre du jour dans Le Trône de Diamant, d’autant que son prologue annonçait noir sur blanc le dénouement de ses pages. Reste à (re)découvrir comment la Rose de saphir échouera entre les mains du chevalier Pandion…