Finis les préliminaires. Pour ce second tome de la méconnue, mais - je peux désormais le dire - excellente saga des dieux sauvages, place au bruit et à la fureur de l'affrontement de ces deux dieux, qui, forts de leurs postures divines, utilisent l'humanité pour régler leurs comptes. Le premier tome posait un peu le décor géopolitique du théâtre des événements, et c'est évidemment souhaitable dès lors qu'il est question de territoires imaginaires. Et préfigurait en quelque sorte ce qui allait suivre, à savoir le déferlement des hordes vouées à Aska (l'une des deux déités) sur le territoire de Rhovelle et la défense de celui-ci par ses habitants.


N'allez pas croire pour autant qu'il s'agit uniquement de relater de grosses bastons à la sauce magie et chevalerie. Certes, cet aspect des choses n'est pas tout à fait absent de ce volume, surtout à la fin et il y a de temps à autres de la tripaille répandue sur les champs de bataille. Mais la vraie qualité, et l'originalité du bouquin, repose sur la narration, impeccable, le scénario, avec des événements bien amenés, sans impatience ni frénésie de la part de l'auteur (avec cinq gros volumes, il y a la place pour), et quelques surprises de temps à autre pour pimenter le tout. Le tout dans une atmosphère crépusculaire, au sens littéral du terme, et humide puisqu'il pleut quasiment continuellement. Et je n'hésiterais pas à affirmer qu'un breton comme Davoust dispose d'un avantage indéniable dès lors qu'il s'agit de décrire un territoire pluvieux...


Ce n'est pas tout. Il faut également mentionner la profondeur des personnages. Là aussi, l'épaisseur de l’œuvre laisse à son auteur tout loisir d'approfondir à son gré. Mériane bien sûr, en prophétesse qui n'a pas choisi sa destinée, mais aussi son ami Daren, gros consommateur de weed locale et extra-lucide. Et Néphyr, mystérieux personnage elfique doté de tous les dons de la nature, qui forme un formidable duo avec Chumséne, une adolescente mal dégrossie et haineuse. Sans oublier, l'ensemble des dignitaires religieux ou politiques de la Rhovelle, ployant sous le poids de leurs charges, et pour certains desquels le doute - vis à vis de la doctrine de Wer (la seconde déité) - fait, parfois et à des degrés plus ou moins forts, son apparition. Et enfin, les personnages du camp adverse, se prêtant certes moins à l'approfondissement psychologiques, mais parmi lesquels apparaissent souvent le prophète Ganner (qui me fait irrésistiblement à notre actuel président de la république) et son adepte Daphn, sorte de prêtresse un brin sadique. Et le mode de narration choral choisi par Davoust va permettre au lecteur de découvrir ces personnages, de quasiment les visualiser.


Enfin, il y a les dieux. Aussi tarés l'un que l'autre, se vouant une haine farouche, quoiqu'un peu diluée par l'immensité cosmique dans laquelle ils opèrent. Du coup, ils délèguent à l'humanité le soin de régler leur contentieux. On pourrait en quelque sorte considérer que Wer s'apparente au dieu des chrétiens et Aska au satan des mêmes. Mais l'un et l'autre sont tout autant imbus de leur supériorité et dépourvus d'empathie envers l'humanité. A cet égard, les dialogues entre Mériane (elle entend des voix, en l'occurrence celle de dieu) et Wer sont parfaitement torchés et amènent à la réflexion sur tout un tas de sujets, comme le libre-arbitre humain ou l'essence et la vocation même de la religion.


Il va sans dire que j'enchaine derechef sur la suite, le troisième volume.

Marcus31
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le 5 juin 2021

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