La première fois que j'ai lu la saga des Trois Mousquetaires, je m'étais arrêté à Vingt ans après, un peu apeuré par l'épaisseur du Vicomte de Bragelonne, et rebuté par le titre qui m'avait amené à penser que Athos, Porthos, Aramis et D'Artagnan ne seraient plus de la partie... Succulente erreur, qui m'a permis cette semaine de dévorer Bragelonne avec le bonheur indescriptible que procure une première lecture.
J'avais prévu mon coup, et pour en profiter un maximum j'ai relu récemment Les Trois Mousquetaires et Vingt ans après, puis attendu quelques mois pour arriver tout frais au Vicomte de Bragelonne... Autant dire que j'avais placé une haute attente sur ce dernier tome de la trilogie. Et, chose magnifique, joie suprême, Bragelonne a été à la hauteur !
Dès le début, le récit repart sur les bases épiques des premiers volumes. En deux-cent pages, D'Artagnan a démissionné du service du roi, recherché ses 3 amis, recruté 10 mercenaires, fait 2 aller-retours en Angleterre, kidnappé puis relaché Monck, rétabli Charles Ier sur le trône, et est devenu riche comme Crésus. J'ai retrouvé le même rythme et les mêmes codes que dans les premiers livres (D'Artagnan a une idée, il va chercher ses potes, ne les trouve pas, et finit par se retrouver opposé à Aramis), mais cela fonctionne toujours !
Puis, d'un coup, le récit ralentit complètement. On se trouve à la cour du roi Soleil, et les brillantes épopées de nos quatre héros sont mises un temps de côté. On quitte les aventures militaires et politiques, pour se retrouver en plein dans les intrigues de cour et de cœurs. Et dans cette nouvelle atmosphère, Dumas excelle à nouveau. Il introduit une palanquée de personnages géniaux, à commencer par Louis XIV et Fouquet, mais aussi Madame, Monsieur, Colbert, Malicorne et Manicamp (que je n'ai pas arrêté de confondre), Baisemeaux, de Guiche... (Raoul et La Vallière sont à mon sens un peu moins réussis, car trop tendres et naïfs). Les dialogues sont merveilleux, et la trame historique fournit de nouveau des décors grandioses au roman : les fêtes à Fontainebleau, à Vaux-le-Vicomte, les jardins, les châteaux...
On s'arrête donc un long moment dans cette atmosphère légère, auprès des courtisans de Louis XIV, et on suit l'opposition grandissante qui naît entre Colbert et Fouquet... Enfin, au moment où tout juste, on croit commencer à s'ennuyer, les intrigues redémarrent de plus belle, et complots, duels, courses-poursuites et morts tragiques se succèdent.
On sent alors que la fin est proche, qu'il va falloir quitter Athos, Porthos, Aramis et D'Artagnan. Si bien que quand les quatre mousquetaires s'embrassent et se disent adieu, on a comme l'impression que c'est nous qu'ils étreignent et on partage la tristesse qu'ils ont de se quitter.