Après m'être enfilé 1500 pages de Dark Fantasy avec des sorciers, des mercenaires et des créatures de l'enfer [à ce propos je vous recommande Les Annales de la Compagnie Noire, de Glen Cook, si vous aimez le genre] j'ai décidé de changer de registre et de me faire un classique. Autant dire que la transition de style n'a pas été évidente mais force est de reconnaître que le récit de Santiago, qui a pêché le prix Nobel de littérature en 1954, vaut le détour.
Le vieil homme et la mer c'est l'histoire d'un vieux pêcheur expérimenté du nom de Santiago qui part pêcher loin des côtes de la Havane, sur le Gulf Stream, après 84 jours de disette. Là, seul, il va être confronté au plus gros poisson qu'un homme ait pu voir dans sa vie. Une lutte acharnée va alors se dérouler pendant plusieurs jours. Et nous, lecteurs, allons la vivre à travers les yeux de ce vieil homme.
Hemingway utilise un style très simple, fluide et surtout accessible à tous. Il ne s’embarrasse pas de tournures pompeuses pour distiller son récit, il va directement à l'essentiel, au coeur de l'action. Mais il prend également le temps de décrire la mer, sa faune et sa flore ainsi que le lexique propre au monde la pêche avec un soin et une attention de tous les instants. Je suis personnellement sujet au mal de mer mais ce livre m'a vraiment donné envie de prendre une barque et d'aller me perdre au milieu de l'infinité insondable de la mer. Quoi que mon estomac préfèrerait surement voguer en mer depuis mon canapé, sur le plancher des vaches.
Au-delà de ce voyage, ce roman vaut vraiment pour le personnage de Santiago. Ce vieil homme qui ne vit que pour la pêche et les mondes marins. Certes il aime aussi le baseball mais son intérêt pour ce sport ne pèse pas bien lourd face à son amour de la mer. Bien sûr la vie de pêcheur au début du XXe siècle n'a rien évidente mais c'est la vie de Santiago et il n'en changerait pour absolument rien au monde. La relation qu'il tisse avec le Marlin Géant est édifiante. Plus qu'une prise hors norme, il vient de ferrer un ami. Un frère.
Pour en arriver à de telles considérations c'est que le vieil homme a bien ressassé la question. Il faut dire que son esprit critique est, en dehors des résultats du baseball, sa seule occupation. Pas de télévision, ni de TSF sur sa petite barque vermoulue. Juste un homme usé par les années et la solitude. Quoi que seul, Santiago ne l'a pas toujours été. Il a longtemps pêché en compagnie de Manolin, un gosse de Cuba, mais après plusieurs semaines à revenir bredouille de la pêche, les parents du garçon l'envoie sur un bateau plus chanceux.
Et cela affecte beaucoup Santiago. Le gamin lui manque. D'ailleurs depuis qu'il n'est plus là, le vieil homme se met à parler tout seul. De ce fait, la plupart des échanges dans ce livre se tiennent entre Santiago et lui-même. Et c'est ça qui rend ce personnage si intéressant. A titre personnel je me suis pris d'empathie pour ce vieux qui mène le combat de sa vie contre un ami indomptable qui ne lui avait pourtant rien fait. Les états d'âme de ce vieil homme qui cherche toujours sa place dans le monde m'ont touché.
Mais vraiment touché. Le livre se lit très vite (environ 3h si vous lisez lentement) et durant la seule pause que j'ai faite durant ma lecture, j'ai pensé à Santiago et à sa situation. Je me demandais ce qu'il allait advenir de lui. S'il allait attraper son poisson et surtout lequel des deux survivraient à l'autre. Car oui, on parle bien d'une lutte à mort entre deux êtres exceptionnels que tout semble opposer mais qui au fond sont tellement semblables. Je ne vous dévoile pas la conclusion de l'aventure mais sachez qu'elle m'a tenu en haleine et que plus je sentais la fin arriver et plus j'étais fébrile quand je tournais les ultimes pages.
Ce roman d'Hemingway m'apparait donc comme une réussite totale. Son livre se lit vite et bien. Il arrive à captiver le lecteur alors que le scénario tient sur un timbre poste plié en 4 mais surtout il arrive en très peu de temps à donner une réelle épaisseur au vieil homme. Un personnage que je ne suis pas prêt d'oublier. "Le vieil homme et la mer" est donc un livre que je vous recommande chaudement. Que vous ayez le mal de mer ou non !