Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire par BibliOrnitho

Allan Karlsson a 100 ans. Dans moins d'une heure, il doit assister à une réception organisée par la maison de retraite. L'adjoint au maire assistera à l'évènement ainsi qu'un journaliste de presse locale. Mais Allan a décidé qu'on se passerait de lui : il sort par la fenêtre et s'enfuit en charentaises. Après avoir traversé le parc, il arrive à la gare routière. Il sait qu'il doit mettre rapidement la plus grande distance possible entre la directrice sadique et lui : l'alerte va être rapidement donnée. C'est pourquoi il est décidé à sauter dans le premier car, se moquant éperdument de sa destination. Le guichetier s'étonne mais obtempère néanmoins et lui fournit les renseignements demandés. Allan s'assoit, le bus ne doit arriver que quelques minutes plus tard. C'est alors qu'un jeune (louche) l'aborde en lui demandant s'il est dans ses cordes de surveiller sa valise pendant qu'il va aux toilettes. Allan lui assure qu'il est certes vieux mais pas encore gâteux et que cette tâche ne devrait pas excéder ses forces déclinantes.
Bien entendu, le bus d'Allan arrive durant cette mission de surveillance. Allan se lève alors... et emporte la valise avec lui. Geste simple, irréfléchi, qui va avoir des conséquences gigantesques.
Dès cet instant, l'auteur nous conte le périple de ce Nils Olgersson centenaire. Périple qui le conduira à travers la Suède, le jeune sur ses talons, bien décidé à récupérer son bien. De nombreux personnages croiseront involontairement la route de ce vieillard débonnaire vivant au jour le jour et ne s'inquiètant jamais des évènements avant qu'ils ne se présentent à lui. Périple entrecoupé régulièrement de retours en arrière dans lesquels Jonas Jonasson revient sur la vie peu banale (euphémisme) de ce centenaire qui n'a pas toujours eu 100 ans : comme il le précise lui-même très justement, cet état de fait est même assez récent. Vie au cours de laquelle il rencontre Franco, Joseph Staline, Mao, Churchill, console sur ses genoux en pleine guerre de Corée un King Jong Il alors âgé de 10 ans, devient expert en explosifs de tout poil, donne la bombe A aux américains puis aux soviétiques, est responsable d'un violent incendie ruinant la ville de Vladivostok, prend une cuite mémorable en compagnie de Harry Truman, glisse dans l'oreille du général de Gaulle que l'un de ses plus proches conseillés est un espion russe attisant la haine populaire en plein mai 68, informe un Nixon attentif des avantages qu'il y a à verser des pots de vin et à surveiller ses adversaires, apprend l'espagnol, l'anglais, le français, le russe, le chinois, l'indonésien, traverse à pied la chaine de l'Himalaya...
J'avoue avoir mis plus de 100 pages avant d'accrocher. Ce papy me semblait ridicule, ces pérégrinations rocambolesques et absurdes, l'écriture de l'auteur simpliste, souvent à la syntaxe un peu limite, voir parfois réellement fausse : un langage parlé, et encore, pas de la meilleure veine. J'ai manqué plusieurs fois d'abandonner ma lecture en me souvenant d'une autre, « phénomène de société » (Le dîner de Herman Koch). Puis contre toute attente se fut le déclic. A la suite d'un meurtre par éléphant interposé, j'ai révisé mon jugement : même un auteur imbécile n'aurait pu écrire sérieusement un tel passage. Ne plus lire ce texte au premier degré, mais élever le niveau au second ou au troisième. J'ai eu tout à coup la vision de Ken cherchant par tous les moyens à assassiner la vieille Mrs Coady dans « Un poisson nommé Wanda » mais ne parvenant qu'à tuer les trois chiens de cette dernière. Dès cet instant, je suis passé en mode « Monty Pyton ». Ma vision sur ce livre a changé : je suis entré dans le jeu de l'auteur. Le ridicule est devenu loufoque et drôle. Le style hésitant et poussif s'est révélé le seul possible pour parfaitement coller au ton irrésistiblement déjanté de l'ensemble. L'histoire que je croyais partir dans tous les sens, sans queue ni tête, s'est muée en scénario parfaitement maitrisé, réglé comme du papier à musique, minuté à la seconde près. Car ce livre est moins simple qu'il n'y paraît. Bourré de détails, il a dû nécessiter une grande organisation de la part de son auteur qui ne s'est jamais trompé, jamais contredit et qui n'a jamais laissé une anecdote en plan sans l'utiliser au maximum pour embrayer sur un autre chapitre encore plus hilarant que le précédent.
Des mois, voir des années que je n'avais pas tant ri au cours d'une lecture si savoureuse. Il me faudra assurément du temps avant de retrouver un livre comme celui-ci. Je me sens triste de l'avoir achevé et envie ceux ont encore à le découvrir.
Une surprise d'autant plus grande qu'elle était totalement inattendue : un très grand moment. Extraordinaire !
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le 4 juil. 2012

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