Le Village de l'Allemand par BibliOrnitho
Rachel et Malrich Schiller sont deux frères, nés dans le département de Sétif de mère algérienne et de père allemand à treize années d'intervalle. Leur père les a envoyé très tôt en France chez un couple d'amis afin qu'ils fassent des études. Ils ne vivent donc plus au bled avec leurs parents qu'ils n'ont plus vus depuis de nombreuses années mais en banlieue parisienne. Rachel, l'aîné a fait des études et habite un coquet pavillon avec sa femme Ophélie. Malrich, lui, n'a pas dépassé le CM2 et passe ses journées à tuer le temps avec ses copains de la cité. Les jours se suivent et se ressemblent quand un bouleversement survient à l'occasion du suicide de Rachel.
Malrich se plonge alors dans la terrible lecture du journal de son frère. Journal dans lequel celui-ci explique comment leurs parents ont sauvagement été assassinés deux ans auparavant dans leur village algérien par le GIA. Il raconte également comment il a découvert dans les papiers que leur père n'avait pas détruits le lourd passé de celui-ci dans la Waffen-SS et son implication en temps qu'ingénieur chimiste au sein de plusieurs camps de concentration. Rachel, durant deux ans, a remonté la piste paternelle afin de tenter de comprendre qui était Hans Schiller.
Ce roman est originalement conçu sous la forme de journaux intimes. Malrich, contrairement à son frère que son enquête a détruit, choisit de révéler la vérité et présente, chapitre après chapitre, les écrits de son frère entrecoupés de sa propre prose, de ses propres sentiments, de sa propre expérience. « Ou le Journal des frères Schiller » est d'ailleurs le sous-titre du livre. Si Rachel se contente de crier sa rage, sa haine des nazis, Malrich, lui, fait avec eux un parallèle avec les islamistes qu'il côtoie au quotidien dans sa cité et qui ont pris le pouvoir dans son pays natal pour le plus grand malheur de ses habitants. Cité et pays qu'il compare à des camps de concentration, les imams au Führer, les émirs à des Obersturmbannführers et leurs indics à des kapos.
Une écriture splendide, vivante. Très riche tout en restant simple, avec une distinction marquée entre la prose de l'aîné, cultivé et le langage davantage parlé du cadet. Une écriture très agréable à lire, toujours percutante. Un livre poignant d'un écrivain que j'ai trouvé très talentueux. Mais un livre difficile (de par son thème) : plus difficile que celui de Primo Levi dont il est plusieurs fois fait référence dans les journaux des deux frères. Car si Primo Levi avait gardé une incroyable distance, un recul presque incompréhensible avec les faits relatés froidement, Rachel et Malrich hurlent leur haine et leur incommensurable douleur. Un livre bouleversant jouant beaucoup plus sur l'affect et qui ne peut laisser indifférent.
Un grand livre. Et un grand auteur.
Une grande découverte pour moi.
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