« C’est à celui qui domine sur les esprits par la force de la vérité, non à ceux qui font les esclaves par la violence, que nous devons nos respects ». Ces paroles de Voltaire résonnent encore aujourd’hui sur nos sociétés et Boualem Sansal est un être éminemment RESPECTABLE. Rarement, la violence, l’incompréhension, la colère frappent aussi fort dans un livre. Rarement, la vérité a été abordée de manière aussi crue. Car « Le village de l’Allemand » est un coup de gueule phénoménal contre l’hypocrisie, l’extrémisme, le négationnisme, la montée de l’obscurantisme. Rachel et Malrich sont deux frères franco-algériens. La mort du père, au passé licencieux et honteux, va provoquer une réaction en chaîne et ils vont se mettre à consigner, l’un à la suite de l’autre, leurs pensées et leurs découvertes dans une espèce de journal intime explosif. Pour ne pas déflorer la trame du récit, je ne vais pas plus loin dans le résumé. Et de toute façon, « Le village de l’Allemand » est un livre à ressentir et non à raconter. Chaque frère relate donc sa vision de l’horreur. Rachel tout en intériorité, intellectualise les causes du mal, Malrich plus ancré sur le monde d’aujourd’hui laisse libre court à des comparaisons et des associations d’idées. L’ainé vomit le passé, le cadet craint pour l’avenir. Boualem Sensal croise les feux entre les combats sur trois époques, 39/45 et l’apogée du nazisme, la guerre civile en Algérie de 1990 et la montée d’un extrémisme islamique sévère de nos jours. Les mêmes causses provoquant toujours les mêmes effets, au final, c’est l’espoir d’une humanité sereine qui est sacrifié. Le style incisif et original, le double journal intime, apporte cohésion et force au roman. Les deux frères possédant chacun leur style, l’un qui semble être un homme de raison au point de la perdre totalement, l’autre plus instinctif qui s’inscrit dans un esprit de « survival ». Chaque réflexion, situation ou description viennent remuer nos consciences. Boualem Sensal, se veut, dans ce sens un agitateur, et lance un appel à la vigilance, une sorte de signal d’alarme qui se déclenche face au danger de notre hypocrisie, de notre quasi indifférence, de nos peurs… Il nous met en garde pour qu’un jour on ne soit plus de celui « qui cherche à lever l’ancre et aller mourir ailleurs ». La plume de Sensal est trempée dans l’urgence, elle ne cesse depuis toujours, mais plus encore à ce jour, d’écrire ce nom « Liberté ».
Fritz_Langueur
9
Écrit par

Créée

le 27 sept. 2014

Critique lue 510 fois

5 j'aime

2 commentaires

Fritz Langueur

Écrit par

Critique lue 510 fois

5
2

D'autres avis sur Le Village de l'Allemand

Le Village de l'Allemand
BibliOrnitho
9

Critique de Le Village de l'Allemand par BibliOrnitho

Rachel et Malrich Schiller sont deux frères, nés dans le département de Sétif de mère algérienne et de père allemand à treize années d'intervalle. Leur père les a envoyé très tôt en France chez un...

le 20 juin 2012

15 j'aime

10

Le Village de l'Allemand
Fritz_Langueur
9

Un roman uppercut époustouflant !

« C’est à celui qui domine sur les esprits par la force de la vérité, non à ceux qui font les esclaves par la violence, que nous devons nos respects ». Ces paroles de Voltaire résonnent encore...

le 27 sept. 2014

5 j'aime

2

Le Village de l'Allemand
Yélèn
8

Critique de Le Village de l'Allemand par Yélèn

Le village de l'allemand, de Boualem Sansal. C'était un livre de la rentrée littéraire de 2008, si je me souviens bien. (Après vérification, c'était en fait début 2008, et il a d'ailleurs obtenu le...

le 30 sept. 2011

1 j'aime

Du même critique

Ni juge, ni soumise
Fritz_Langueur
8

On ne juge pas un crapaud à le voir sauter !

Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...

le 12 févr. 2018

59 j'aime

7

120 battements par minute
Fritz_Langueur
10

Sean, Nathan, Sophie et les autres...

Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...

le 24 août 2017

56 j'aime

10

Tale of Tales
Fritz_Langueur
9

La princesse aux petites poisses...

Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...

le 3 juil. 2015

48 j'aime

11