Comme la plume au vent.

Le vin de la jeunesse , ou The Wine of Youth , est un recueil de nouvelles écrites par John Fante qui furent recueillis et publiées à titre posthume en 1985. Fante , si vous n'êtes pas vraiment à même de relier les auteurs à leurs œuvres , est l'écrivain de Demande à la poussière , livre considéré par bien des lecteurs autour du monde comme étant une oeuvre mythique. Le genre d'oeuvre qu'il faut à tout prix lire , patati patata...Seulement , si Fante est un auteur réputé , redécouvert au tout début des années 80 sous l'influence de Charles Bukowski qui le considéra comme sa principale influence , il souffre dans notre beau pays d'une lacune critique en matière de réédition. Seul Mon chien stupide obtint l'année dernière une republication éphémère sur laquelle il fallait bondir pour enfin découvrir le style unique de Fante...C'est ainsi que je le découvris enfin - et ce fut pour moi un vrai choc !
Si Mon chien stupide traitait du désenchantement de la vieillesse , Le Vin de la jeunesse traite pour sa part de l'espoir de l'enfance. On y suit , dans la majorité des nouvelles , un garçon issu d'une famille d'italo-américain s'étant basé dans le Colorado. Le patriarche de la famille est un poseur de briques autoritaire , fumeur de cigares et relativement païen sur les bords , là où la mère , ancienne aspirante-nonne résignée à jouer les femmes au foyer , est d'une douceur exceptionnelle. Entre les rêves du garçon de devenir un grand joueur de baseball , son rapport conflictuel avec les sœurs catholiques qui sont chargées de son éducation , les petits délits , les événements tragiques et les fugues , en plus de comporter comme pour enrober le tout quelques nouvelles concernant l'entrée du garçon dans le milieu de l'écriture qui ne semblait décidément pas être celui qu'il aurait privilégié au départ , c'est tout le pan d'une existence que Fante nous emmène à découvrir. La sienne , sans aucun doute.
Le style de Fante , je l'imaginais en ligne droite . Il s'avéra variable avec le Vin de la jeunesse , autant par sa qualité - certaines des nouvelles ne disent rien de concret , ou se répète parfois entre elles , je dois le reconnaître...- que par sa régularité. Avec Fante , on comprend que retranscrire des événements à la "virgule prêt" ne fait pas du réalisme sale au sens où son admirateur Bukowski pouvait le comprendre. Tel Scorcese dans Mean Streets et Raging Bull ; tel Pasolini dans Accattone , Fante réussit l'exploit d'élever ses personnages , de les décalquer sur le champ de leur milieu , par la présence de figures religieuses , d'un rapport permanent - bien que parfois indicible - au divin , à l'église. Et le lien qui unit les deux cinéastes à l'auteur Coloradien n'est autre que ce sang Italien. Cette Italie , lointaine Italie qui barbouillait déjà Mon chien stupide dans une idée de fantasme , et qui se retrouve là relayée à un rôle moins reluisant. Celui de racine noueuse , d'origine malvenue , reniées.
Ressembler à tout le monde. Poursuivre des rêves qui font de soit une singularité. La contradiction , entre héritage et pulsions. Voilà tout ce que ce recueil englobe , et un peu plus encore...La première nouvelle , Un enlèvement dans la famille , est lourde d'un sens merveilleux sur l'idée qu'on se fait de nos parents ; la nouvelle L'un de nous dépeint le sens de la tragédie , très romantique , des italiens quant à la perte d'un proche ; Le dieu de mon père , c'est la beauté des rapports qu'entretiennent les avant-gardistes envers leurs propres choix de vie. Puis il y a les nouvelles qui annoncent , sans doute , Demande à la poussière tel que Le Rêveur, splendide ode à l'amour , à son injustice , à sa manière de lier des gens tous plus différents les uns que les autres.
Voilà. Fante c'est beaucoup de choses à garder quand même.