Le Voleur de corps
6.1
Le Voleur de corps

livre de Anne Rice (1992)

Le voleur de corps fait partie des chroniques du vampire Lestat, écrites voilà quelques décennies, et rendues connues avec l’adaptation cinématographique d’Entretien avec un Vampire. N’ayant lu aucun autre roman de cette série, je ne peux juger l’ensemble de l’arc, mais ce roman se présente comme une sorte de journal du vampire Lestat, raconté à la première personne. Il se déroule après les événements d’Entretien avec un Vampire, et de la Reine des Damnés (qui a également souffert d’une adaptation cinématographique, beaucoup plus douteuse).

*Les choses réussies

L’idée d’écrire du point de vue d’un vampire est intéressante. Je n’ai pas lu beaucoup de littérature du genre, mais le peu dont je me souviens présente le vampire comme une créature majestueuse et impressionnante, décrite du point de vue de l’être humain, la découverte, la proie. Ici, c’est l’expérience du vampire qui est mise en avant. Que ressentir lorsque l’on a été forcé dans cette voie ? Lorsque l’on est né voilà plus de 200 ans et que le monde a tellement changé ? En plus, Lestat est un vampire qui aime sa condition, ses pouvoirs, nous sommes donc loin du stéréotype de l’être maudit qui rêve de retrouver son humanité.

Enfin, en théorie. Puisque tout le sujet du livre, c’est justement que Lestat va avoir l’opportunité d’échanger son corps avec celui d’un être humain pour une courte période, et expérimenter à nouveau les sensations de l’humanité.

Ensuite, je trouve les relations entre les personnages assez intéressantes. A la manière d’Aziraphale et Rampa dans l’excellent « De Bons Présages » de Terry Pratchett et Neil Gaiman, Lestat a d’anciens amis, ou ennemis, et entretient avec eux des relations très particulières, propres au fait de vivre si longtemps, j’imagine (après tout Duncan McLeod avait également ce genre de relations avec certains personnages immortels récurrents dans la série Highlander).
Ainsi, sa relation avec le vampire Louis – le vampire de l’Entretien - est abordée. Mais c’est sa relation avec l’humain David Talbot qui est au centre de cette histoire-là. Membre d’une organisation occulte, cet homme de 75 ans environ entretient une sorte d’amitié avec Lestat depuis des décennies, et refuse de le laisser le changer en vampire alors qu’il s’approche de la mort.

*Un personnage moyen

En fait, je n’aime pas Lestat. Tel qu’il est décrit dans ce livre, il est égoïste, impulsif, immature, un ado émo de 200 ans, en somme. Déjà, je ne trouve pas cela réaliste, on finit bien par apprendre des choses et s’assagir avec l’âge. Mais, même en mettant cette considération de côté, je le trouve irritant, et ses choix n’ont, pour moi, aucun sens. Quelque part, je pense que c’est un défaut d’immersion du livre, parce que même si je n’apprécie pas sa personnalité, si elle était bien décrite, cohérente, empathique, j’aurais probablement été happée par son histoire quand même. Là, ce n’est simplement pas logique. Un vampire hédoniste qui prend du plaisir à être une sorte de Dieu vivant qui essaye de se suicider ? Puis qui songe à entrer dans un corps humain ? Peut-être aurais-je dû lire ce livre à 15 ans, mais là, je ne suis pas convaincue. Du tout.

L'intérêt principal de ce livre, je trouve, est sa relation avec David. Cet être humain qu'il connait depuis longtemps, qui s'est toujours refusé à le laisser changer en vampire immortel, dont il a toujours respecté le choix. C'est une relation très particulière car David n'approuve pas le comportement de Lestat, mais il accepte cette amitié particulière quand même. Cela aurait pu donner lieu à une relation intéressante, mais je trouve que ce n'est pas le cas, et la tournure que prend leur relation m'a semblée inintéressante.

*L’intérêt du genre

Que pourrait-il y avoir d’intéressant à aborder dans le genre « vampires » ? Je pense par exemple à des questions sur la mortalité du corps, la peur de la mort, le prix de l’immortalité. Il y a aussi la question de la religion (le côté damné), de certaines valeurs morales et éthiques peut-être (en rapport avec la nécessité de se nourrir de sang humain par exemple), ou même à la question de la pulsion, du désir. Il peut aussi y avoir le sujet de la manipulation, du contrôle, du libre arbitre. Même une série comme Twilight utilisait les vampires comme métaphore pour les découvertes et les pulsions adolescentes.

Mais là, je ne vois aucune exploitation intéressante du genre. Peut-être peut-on y trouver cette idée d’idéaliser le passé, et d'essayer de le retrouver en redevenant humain – de qui aborderait le sujet de la vie rêvée ou idéalisée par rapport à la réalité. Et encore, les sensations et les émotions de Lestat dans le corps humain, un élément que j'attendais avec impatience, sont tellement irritantes et inintéressante que le sujet reste superficiel, au final.

En dehors de cela, le fond de l’histoire est, somme toute, assez faible et creux. Un vampire surpuissant et capricieux décide d’échanger son corps avec celui d’un être humain. Bon. Et, sans en dire davantage, la conclusion de toute cette histoire est prévisible et très décevante.

*L’histoire et la narration

Ajoutons à cela une action quasiment inexistante, qui met du temps à démarrer, une écriture (je l’ai lu en Anglais) lente et barbante, et des rebondissements absolument prévisibles, au point qu’il en est illogique que l’esprit affûté et âgé de 200 ans de Lestat soit passé à côté, je ne suis tout simplement pas entrée dans l’univers. J’ai même dû me forcer à le terminer, ce qui n’est pas bon signe. Du tout.

En conclusion, je trouve que l’idée de départ, de se focaliser sur les états d’âmes d’un vampire, est très intéressante, mais le personnage est mal construit, illogique, et servi par une narration et un style ennuyeux. Donc, non merci.
Kalygolo
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le 17 mars 2015

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