Retrouvailles au goût amer
Après avoir vu Une promesse, j’avais vraiment envie de découvrir le texte de Zweig, un de mes auteurs favoris. De lui, j’ai lu Vingt-quatre de la vie d’une femme et La confusion des sentiments, Le voyage dans le passé se rajoute à la liste. A chaque fois, je suis bluffée par sa description des personnages tout en finesse servie par une écriture magnifique. Et pour Le voyage dans le passé, traduit en français seulement en 2008, je n’ai pas été déçue (enfin presque pas).
Louis est un jeune homme ambitieux, il parvient à être le bras droit de G., directeur d’usine. Il va être invité à vivre au milieu de cette famille, il rencontre sa femme. Louis va en tomber amoureux, G. l’envoie donc au Mexique gérer une exploitation. La Première Guerre Mondiale éclate et sépare ses deux êtres. Neuf ans plus tard, ils se revoient à nouveau, des retrouvailles au goût amer.
En une courte nouvelle, Zweig décrit des êtres pris par leurs destins, on devine l’intensité de leur relation si l’Histoire en avait décidé autrement ! Louis est un être passionné et la passion, ça s’essouffle.
Ce texte est un des derniers textes de Zweig, on sent que c’est une ébauche, un premier jet. D’un niveau moindre de ce que j’ai pu lire. Mais ça n’enlève rien à la beauté de son écriture !
Dans l’adaptation, le réalisateur a édulcoré le texte, les retrouvailles font un happy end. Le livre met surtout en valeur l’impossibilité de faire revivre le passé, un passé trop présent à chaque instant, les retrouvailles, c’est leur voyage dans le passé. Mais comme tout ce qui est passé et révolu, ce sont des souvenirs doux avec un goût amer. Au Mexique, Louis s’est marié tandis qu’elle est devenue veuve.
Une nouvelle avec un goût amer.
Extraits :
C’est ce qui arriva aussi à cet être passionné, sans qu’il s’en aperçut – quand les semaines, les mois et finalement une année, puis une deuxième, s’écoulèrent sans que lui parvinssent un mot, un signe d’elle ; alors son image commença peu à peu à s’estomper. Chaque jour consumé dans le travail déposait quelques petites poussières de cendre sur son souvenir ; il rougeoyait encore, comme des braises sous le gril, mais, finalement, la couche grise ne cessait de s’épaissir. (p.59)
En vieillissant, on cherche sa propre jeunesse et on éprouve des joies stupides à partir de petits souvenirs. (p.73)
n’étaient-ils pas eux-mêmes ces ombres qui cherchaient leur passé et adressaient de sourdes questions à un autrefois qui n’existait plus, des ombres, des ombres qui voulaient devenir vivantes et n’y parvenaient plus, car ni elle ni lui n’étaient plus les mêmes et ils se cherchaient pourtant, en vain, se fuyant et s’immobilisant, efforts sans consistance et sans vigueur, comme ces noirs fantômes devant eux ? (p.102)
Stefan Zweig, Le voyage dans le passé, Grasset (2008)