Tiger, tiger, burning bright...
(ne devrait idéalement être lu qu'après le livre) Après Les Braises (Sándor Márai), je fais une seconde excellente découverte en me tournant vers la littérature hongroise (une de mes priorités...
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le 7 nov. 2015
Ce livre parle de l'errance dans l'Italie des années 1920 d'un jeune Hongrois hanté par son passé et qui ne se sent pas à sa place dans la société bourgeoise. Son voyage se teinte de fantastique.
1e partie - Lune de miel
Mihaly est un éternel romantique, qui s'est résolu à travailler dans l'entreprise de son père et à épouser une jeune femme très bien, Erszi (diminutif hongrois d'Elisabeth). En voyage de noces en Italie, il est pris d'une forme de nostalgie, qui redouble lorsqu'ils tombent par hasard sur Janos Szepetneki, un camarade d'enfance, escroc de son état, qui se montre très rustre avec sa femme et ouvre la boîte de Pandore. Pendant le reste de la soirée, Mihaly raconte à Erszy son enfance : il a connu une amitié très forte avec Tamas Ulpius, un jeune homme renfermé obsédé par la mort, tout comme sa soeur, Eva. Les deux garçons inventaient des histoires inspirés du théâtre ou du passé hongrois, et dans lesquelles ils mouraient invariablement pour Eva. A leur bande se joignit Ervin, un Juif soucieux de se convertir au christianisme. Le groupe arrive à l'âge adulte, et leur lien finit par se distendre (Eva sort successivement avec Ervin, puis Janos). Mais le jour où Mihaly apprend la mort de Tamas, quelque chose se brise en lui. Après avoir raconté ceci, l'atmosphère de la lune de miel devient plus lourde, et Mihaly, par un acte manqué, se trompe de train à un arrêt en gare et se sépare de sa femme. Dès lors commence un étrange voyage, à la fois dans l'Italie rurale et dans l'intériorité de Mihaly.
2e partie - Le fugitif
Mihaly déambule en Ombrie, terre austère de villages perchés dominés par des couvents franciscains. Il passe à Spolète, puis tombe d'épuisement. Il se réveille dans un hôpital où un médecin anglais, le Dr Ellesley, veille sur lui. Ils parlent mysticisme, et Mihaly raconte une visite étrange dans un appartement londonien en enfilade où il lui semble avoir vu Eva l'épier à travers une tenture. Il fait connaissance avec Millicent Ingram, une étudiante en art américaine bête comme une oie, avec qui il a une romance et qui lui avance de l'argent. Ils visitent Sienne, où Mihaly est repris de son vertige existentiel. Ellesley lui parle d'un moine guérisseur de Gubbio, le père Severinus. Mihaly le rencontre : c'est Ervin, et la femme qu'il aurait exorcisé était Eva. Ervin persuade son ami d'aller à Rome : son destin l'y attend. De son côté, Erszi va à Paris, où elle vit chichement chez une amie, Sari Tolnai. Dans une soirée, elles rencontre Janos Szepetneki, devenu riche, et un Persan richissime mécène de cinéma. elle finit par coucher avec Janos.
3e partie - Rome.
Mihaly erre dans Rome, ses monuments prestigieux et ses bas-fonds sordides. Il suit un Anglais qui monte dans une voiture dans laquelle il aperçoit Eva. Sa famille lui envoie l'argent pour rembourser Millicent, mais il le garde pour prolonger son séjour. Il rencontre Waldheim, un confrère d'histoire des religions qui essaie de le persuader de renoncer au monde pour ne penser qu'à la recherche. Ils parlent de la conception de la mort chez les Etrusques. Lors d'une garden-party à l'institut américain d'archéologie, il reçoit un message d'Eva lui demandant de ne plus la chercher. On suit ensuite Zoltan Pataki, le mari d'Erzi, qui s'acoquine avec Janos pour recouvrer sa femme.
4e partie - Les portes de l'enfer
Janos retrouve Mihaly et lui propose de divorcer d'avec Erszi pour adultère. Une diseuse de bonne aventure louche, Vannina, acoquinée à Janos lui prédit une grosse rentrée d'argent. Erzi vient le voir à Rome, lui explique que Zoltan et Janos ont monté un chantage à son encontre. Ellesley lui écrit pour lui dire qu'Ervin est mort et que lui et Millicent vont se fiancer. Eva sonne à sa porte. Elle lui rapporte la vérité sur la mort de Tamas : à Hallstadt, il a bu devant elle une fiole de poison et elle l'a laissé mourir en paix. Mihaly songe à faire de même. De son côté, Erzi se retrouve dans un hôtel avec le Persan, dans deux chambres contiguës, et le tout semble une machination de Mihaly pour qu'elle devienne la chose de cet être brutal, trafiquant d'opium. Mais elle barricade la porte de sa chambre. Elle fuit à l'aube et décide de revenir auprès de Zoltan. A Rome, Mihaly se prépare à se suicider, mais Vaninna vientle chercher : il avait promis d'être le parrain de l'enfant de sa soeur. L'ambiance chaleureuse du baptême italien le convainc de revenir du côté de la vie. Il rentre à Budapest, où les affaires de sa famille, que ses frasques semblaient avoir compromises, s'arrangent grâce à l'influence d'Erszi. Mihaly se sent libéré de sa fascination morbide pour Tamas. Eva part pour l'Inde.
C'est un beau roman, à l'influence romantique évidente, et dont le ton oscille entre la littérature classique XIXe et le roman amoral des années 1920, à la André Gide. Aux questionnements du personnage principal sur la nature de ses liens avec les autres et sur sa place dans le monde font miroir les paysages italiens variés et magnifiquement croqués qu'il traverse. Comme dans un théâtre de marionnettes, ou comme dans un roman-feuilleton, les personnages disparaissent, réapparaissent, les révélations arrivent, dans une atmosphère mystérieuse où tout peut arriver.
C'est donc à la fois une plongée dans l'identité hongroise et dans une Italie ensoleillée, pittoresque et... fasciste. Le ton est un mélange de mystère, de feuilleton et d'humour nostalgique qui me fait un peu penser aux BD de Frank Le Gall que j'aime tant. Au fond, c'est une réflexion sur le temps, la mémoire et la mort.
P. 87 : "on commence par être monsieur Untel, au demeurant ingénieur,
et on finit par être cet ingénieur, qui, au demeurant, s'appelle
monsieur Untel".
Et tant qu'on est en vie, il peut toujours arriver quelque chose.
Je recommande vivement ce livre, une porte d'entrée facile et prenante vers cet univers fascinant, à la fois familier et étranger, qu'est la littérature hongroise.
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Créée
le 1 mai 2016
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