L'épuration d'un épurateur
Nicolas Roubachof est un révolutionnaire. Il en l’âme et la vie. Depuis 1917 il a combattu pour un monde meilleurs, pour liberer l’homme du joug de l’oppression. En bon révolutionnaire il n’a pas reculé devant les sacrifices nécessaires à la venue d’un monde meilleur : Collectivisation forcée, élimination des opposants politiques, alliance avec les nazis…. Encore récemment il a sacrifié sa maîtresse sans remords pour le bien de la révolution
Car Roubachof ne s’encombrait pas de conscience individuelle ou de morale humanisme, des freins à l’action révolutionnaire pour lui et ses pairs.
Aujourd’hui comme beaucoup d’autre organisateurs de à la révolution de 1917, Roubachof est en prison, accusé d’action anti-révolutionnaire, de sabotage, d’accointance avec une puissance étrangère et de complot visant la vie de « N°1″.
Situation absurde et historiquement exacte, il accusé d’avoir comploté contre la révolution dont il fut l’un des piliers.
Réquisitoire contre les procès de Moscou, Le Zéro et l’infini est un livre remarquable où s’affronte deux idéologies : l’idéalisme révolutionnaire et ‘humanisme des lumières.
D’un coté le jeune officier soviétique qui interroge Roubachof pour qui l’homme est le zero de l’arithmétique historique, qu’il peut être sacrifié, en masse si nécessaire, pour le bien futur de l’humanité.
En face, Roubachof, en proie au doute et qui se demande si l’humanisme pour qui l’homme est un infini qui possède des droits inaliénables – dont celui de vivre – n’est pas dans le vrai.
Le style concis mais pas sec, la narration simple, l’unité de lieu autant d’éléments qui donnent au roman une grande force. Roubachof est arrêté, pendant sa détention il est assailli par le doute et revisite les épisodes les plus marquant de sa vie. Interrogé par un communiste zélé et convaincu, il devra choisir entre servir la révolution une dernière fois en avouant ses crimes ou revendiqué son humanisme et sa conscience individuelle en proclamant son innocence.
Le zéro et l’infini est clairement un livre à thèse,mais si il n’était que ça il ne serait pas très intéressant. C’est aussi un grand roman
Les personnages sont réussis et crédibles – mention spécial au voisin de cellule qu’on ne verra jamais de tout le livre -, Roubachof est complexe et intriguant, les dialogues admirables et il y’a plusieurs idée de mise en scène très bien trouvées. Le tout dans un style fluide mais pas dépourvu de poésie.
Le dialogue en prison sur la liberté, la manipulation et la nature humaine, morceau de bravoure du roman, rappellera forcement aux lecteurs de Dostoïevski le passage sur Le grand Inquisiteur dans les frères Karamazov
Simplicité et force de la trame narrative, fluidité du style, casting resserré mais marquant, Le zéro et l’infini est un très beau et court roman, abordable par tous mais avec une vrai profondeur historique et philosophique.
Il ne devrait laisser aucun lecteur indifférent et les doutes de Roubachof vous accompagneront longtemps après avoir refermé le livre.