Don't look up - déni tellurique
Il était une fois... Il y a un siècle tout de même! Et voilà que par delà cet abîme nous parvient cette œuvre. 1920 : à cette date, parler de science-fiction est en soi un anachronisme, à moins...
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Il était une fois... Il y a un siècle tout de même! Et voilà que par delà cet abîme nous parvient cette œuvre. 1920 : à cette date, parler de science-fiction est en soi un anachronisme, à moins d'acter l'antériorité du genre sur sa dénomination. Mais justement, le genre n'existant pas encore "officiellement", il ne pâtit guère de sa mauvaise réputation. Au contraire, ce sont des auteurs tout à fait sérieux qui s'y adonnent. Ils s'appellent H.G. Wells, Jules Verne, J.H Rosny aîné, par exemple, et personne n'oserait douter de leur talent de conteur.
Ce livre d'Annie Francé-Harrar s'inscrit à ce point parfaitement dans un tel contexte qu'il serait injuste de le juger à l'aune de ce qu'est la science-fiction aujourd'hui. Les auteurs scientifiques sont forcément ceux qui vieillissent le moins bien, car de nouvelles découvertes viennent vite invalider leurs théories, même si Cyrano de Bergerac pensait déjà faire atteindre la lune à son personnage dans une fusée à étages (si, si, lisez la description qu'il en fait, je vous assure). Ce n'est donc pas l'aspect scientifique, et cette idée qu'on puisse tirer n'importe quoi de l'azote, qui sera à prendre en compte ici. on remarquera néanmoins que cette idée de désaffection des sols est tout de même tout à fait visionnaire, et que Annie Francé-Harrar savait de quoi elle parlait!
Nous sommes ici dans un monde qui est déjà peu ou prou celui des Monades urbaines, avec de grands complexes citadins, et des campagnards méprisés qui forment comme une race à part. Les citadins ont perdu tout contact avec la nature, si bien qu'une simple brindille devient une relique d'un temps oublié.
Mais dans leur arrogance, ces citadins vont exiger trop de la nature, jusqu'à la dérégler au point de créer une nouvelle espèce, les fameuses âmes de feu du titre. On voit, en 1920, ce que le sujet a de prémonitoire, et on comprend tout à fait sa réédition aujourd'hui. Il est facile d'y voir une métaphore du réchauffement climatique. Mais au-delà du côté science-fiction prédictive, qu'en est-il des qualités de l'ouvrage?
Plutôt une réussite, de ce point de vue. Il s'agit donc d'une dystopie où les gens sont devenus des numéros indiquant leur rang social. Les hasards du calendrier font que ce roman et le Nous de Zamiatine sortent en même temps! Les citadins ignorent complètement comment vivent les campagnards et ne daignent se souvenir d'eux que lorsqu'il s'agit de la nourriture. Seulement voilà, une manière révolutionnaire d'extraire la nourriture de l'azote rend caduque la nécessité d'une nourriture élevée ou cultivée. La manière dont on oblige les campagnards, au début du roman, à venir vivre en ville, car leur rôle est fini, est tout à fait caractéristique de la manière de faire d'une classe politique toujours en activité : le roman est de ce point de vue d'une grande actualité et souvent juste, notamment sur la question du déni face à une catastrophe annoncée.
Malgré son aspect dystopique, qui viendra se doubler d'un versant apocalyptique, le roman est optimiste, et replace les émotions au centre de l'humain : ce qui vaut d'être préservé, c'est l'amour! Naïf, mais beau.
Là où le roman convainc moins, c'est dans l'écriture des scènes d'action. On sent bien que Annie Francé-Harrar n'y est pas à l'aise. Ce n'est d'ailleurs pas si grave, car ce n'est pas l'optique principale de ce récit.
Les âmes de feu est donc un roman de science-fiction de qualité, tout à fait dans la norme de son époque, un époque d'avant l'invention de ce terme de science-fiction, mot peu adéquat car recouvrant souvent des ouvrages qui n'ont rien de scientifique, mais qu'on utilisera faute de mieux.
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