Les Âmes mortes par ngc111
Captivant comme le sont tous les grands romans russes, Les âmes mortes sait enchaîner les moments de poésie, d'humour, et de réflexion. Par la grâce de personnages complexes, aux intentions difficilement discernables comme l'on peut le voir avec le personnage principal Tchitchikov. Ce dernier peut apparaître tantôt machiavélique dans sa quête d'âmes de serfs défunts, voir brusque lorsqu'il sent la résistance de son interlocuteur poindre dans la négociation ; tantôt doux et rêveur lorsqu’il s'imagine dans le futur, marié et père, propriétaire d'un domaine bien tenu et prospère.
Les rencontres qu'il fait sont toutes plus intéressantes les unes que les autres, de cette vieille veuve craintive mais pourtant bernée, au riche exploitant (Mourazov) représentant le modèle à copier pour devenir riche, en passant par les procureurs, policiers et autres juges désirant marier notre vagabond ; on pourrait aussi citer le propriétaire amoureux mais qui a dû renoncer temporairement à sa promise après une brouille avec le père. Il y en a beaucoup mais tous ont quelque chose à apporter au récit, beaucoup ont une influence plus ou moins déterminantes sur la personnalité de Tchtchikov.
Il y a même des grands moments de littérature et d'émulsion intellectuelle avec des morceaux sur l'éducation, le travail, la propagation de la rumeur dans la ville, la foi. Le discours de Mourazv à un Thcitchikov emprisonné et aux portes de la folie est bouleversant de justesse et de force de conviction. Encore aujourd'hui il pourra faire mouche dans les têtes des lecteurs du 21e siècle.
Avec toutes ces qualités, on ne peut que regretter que Gogol, suite à des problèmes de santé, à des crises mystiques ait détruit la seconde partie du roman dont il ne reste plus que quelques fragments pourtant prometteurs et pleins de génie. Sans même parler de l'éventuelle troisième partie qui n'existe même pas...
Un gâchis qui nous fait pousser des soupirs de déception et de regret de ne pas se trouver devant une œuvre achevée, magnifique, massive et dense.
Comme un petit goût de paradis avant que l'on ne referme les portes, nous empêchant d'y entrer...