Turambot est né pauvre dans l’Algérie de l’entre-deux guerres. Son père n’est plus qu’une ombre depuis qu’il est revenu des tranchées de 14-18. Sa mère s’échine de l’aube au crépuscule pour assurer à la famille une survie au jour le jour. Puis, brusquement, les pluies emportent le village dans une coulée de boue.
La famille déménage et s’installe dans un bidonville de Sidi Bel Abbes. La misère et la violence sont toutes deux inouïes. Le jeune Turambot grandit parmi elles, la précarité lui volant son enfance. Mais c’est à Oran, après un nouveau déracinement, que l’adolescent devenu jeune adulte va enfin prendre son essor. A la suite d’un concours de circonstance, le lecteur s’aperçoit que les poings de Turambot valent de l’or. Celui-ci est recruté par une écurie de boxeurs et entrainé du matin au soir. Le jeune homme va gravir les échelons de façon fulgurante, accédant à la richesse et à la notoriété.
Avec les « Anges meurent de nos blessures », Yasmina Khadra signe un nouveau roman d’une grande profondeur. Car à travers ces pages, c’est toute l’Afrique du nord coloniale qui défile. Un véritable territoire occupé comme a pu l’être la France sous Troisième Reich : les blancs aux postes clés, les indigènes méprisés et bons qu’aux basses besognes. Le racisme est généralisé. L’esclavage jamais bien loin. L’algérien, dépossédé de son pays, est contraint de courber l’échine.
Les villes sont coupées en trois : le centre opulent est réservé aux colons, les abords miséreux qui ne sont que des bidonvilles dans lesquels on meurt jeune. Et entre les deux, les faubourgs occupés par des français pauvres et quelques algériens plus riches que les autres (des commerçants, des employés…) Les tensions sont vives et le lecteur sent les prémisses des conflits de la décolonisation qui n’éclateront qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Une écriture très riche, parfois lyrique qui est la marque de fabrique de Yasmina Khadra. Un texte fort qui débute de façon très dure par un séjour dans les couloirs de la mort et la guillotine. Un texte souvent dérangeant qui décrit sans complaisance et sans faux fuyants l’Algérie coloniale et le destin d’hommes assis entre deux chaises : n’appartenant pas au monde de la métropole, mais pas non plus aux classes laborieuses autochtones. Méprisé par les premiers, admiré et jalousé par les seconds.
Un livre magnifique mais assez difficile.