Je me suis lancé dans le livre à tout hasard. Chinant dans mon boui-boui de livres de seconde mains préférés, il était apparu au milieu des autres œuvres comme une piqûre nostalgique, le nom me disait quelque chose. Il me rappelait l'hiver d'il y a quelques d'année, quand un prof nous en avait fait analyser un extrait. Je me suis dit pourquoi pas, je n'avais plus trop de souvenir autre que le titre et l'idée globale présentée.
Quelle erreur. Et quelle prouesse du prof de Français d'avoir pu caser ça dans son programme.
En substance, le livre est assez mal écrit, pompant sans vergogne des poncifs de la littérature éculés, même à l'époque (surtout à l'époque), entraînant dans un rythme mou et faussement éclairé son lecteur dans de la bouillie inepte réalisant l'exploit impossible de se contredire d'un chapitre à l'autre.
La structure, que je n'ai personnellement jamais vraiment apprécié, reprend le bancal situation - flashback d'exposition - flashforward dans le cœur du sujet.
Ainsi le premier chapitre présente le personnage principal, son enfant mort, sa vraie femme et sa fausse femme. Il expliquera à un médecin et à un policier qu'il a tué son enfant, conçu avec une tropis (homme/singe à la croisée des espèces que Vercors imagine en chaînon manquant de l'évolution). Il provoque sa propre arrestation en appelant lesdits médecins et policiers, pour infanticide.
S'ensuivent ensuite, 100 pages d'une lenteur et d'une inutilité folle. On y parlera d'abord de la situation amoureuse de notre héros principal, qui parviendra on ne sait trop comment à faire chavirer le cœur d'une demoiselle. En vérité, le comment n'a pas trop d'importance, Vercors avait juste besoin d'une excuse pour pouvoir construire la suite de son récit en un dialogue épistolaire (en fait, principalement un monologue du brave héros parti au bout du monde, ponctué par les élans de compassion et d'encouragement de sa belle, tiraillée on-ne-sait-trop pourquoi par les regrets et la solitude).
Récit particulièrement intéressant puisqu'il ne s'agit que d'une justification gigantesque de la part de Vercors, qui semble vouloir à tout prix nous perdre dans des conjonctures et des répétitions sans fins. 50 fois on nous rebâchera la négligence des scientifiques quant aux questions théologiques et philosophique. 50 fois et par 50 artifices on tentera d'expliquer la place du tropis dans le grand cirque de l'évolution ... Bon soit, l'auteur a décidé de nous prendre pour des idiots, très bien, peut-être s'agit-il juste d'un passage obligatoire pour passer à la suite des évènements, on l'endure donc bon gré mal gré.
Vient enfin le procès, celui de Douglas mais surtout, celui des Tropis. Un grand remake de la controverse de Valladolid en somme. Qu'il importe peu de raconter ici, vu qu'il s'agit en fait d'une continuité directe avec le début du livre, on nous expliquera 50 fois les mêmes choses etc.
Au final, en lisant ça on peut trouver que je suis dur avec le livre et l'auteur, se dire qu'il s'agit juste d'un point d'entrée dans le monde de l'anthropologie un peu nul mais qui possède de l'intérêt.
Malheureusement, le livre (datant de 1952 donc) est représentatif des travers de son époque. Tout comme les récits de la controverse sont peu intéressant, Les animaux dénaturés, est aujourd'hui, une lecture désuète. Pourquoi en effet, en 2018, lire ce livre gangrené par les éclats racistes indéniables, alors qu'aujourd'hui, des centaines d'ouvrages ont été écrit sur le même sujet, ultérieurement, avec un discours bien plus fin ?
On pourrait se dire qu'il ne s'agirait que d'une passe déplorable, telle qu'on pourrait le lire dans les premiers ouvrages de Tintin, qui produirait un rictus de désapprobation sur quelques pages mais n'aurait d'incidence sur le récit en tant que tel. Malheureusement lorsque l'on peut y lire des phrases telles que "La question est de savoir à quel point le tropis est différent de néandertal, le néandertal de cro magnon [...] différent des pygmées, eux-même différents des négritos, et remonter ainsi jusqu'à l'homme blanc". Mots prononcés par un des scientifiques de l'expédition, l'instigateur même de l'expédition.
Dans un livre qui traite de l'âme, de l'humanité, de l'appartenance ou non de tel groupe à tel espèce. De savoir ce qu'est un singe de ce qu'est un homme, ce genre de phrase dénature entièrement le livre et discrédite parfaitement toute réflexion sortie du livre. Comment Vercors pourrait poser des questions pertinentes sur le spécisme, lorsque lui-même, est incapable de mettre sur un pied d'égalité les hommes entre eux ?