Sans doute encore plus abouti que "Les jardins statuaires" !
Publié en juin 2011, ce nouveau volume, inédit celui-ci, du cycle des Contrées fait bien entendu écho à la fois aux « Jardins statuaires » et au « Veilleur de jour ».
Terrèbre est tombée sous l'offensive annoncée des nomades des steppes, et le narrateur, universitaire local et unique spécialiste du langage des steppes et des jardins, se retrouve en possession du manuscrit qui deviendra justement « Les jardins statuaires ». Enrôlé par le prince des nomades et sa garde rapprochée dans une quête difficile, à la recherche des personnages-clé du livre, le narrateur reviendra transformé, après nous avoir guidés dans l'inextricable agencement de ces sociétés après invasions et catastrophes, et poursuivi habilement de nouvelles révélations sur plus d'un mystère...
« À cet égard, ces barbares du tout au tout différaient de nous ; là où nous cherchons un surcroît de force dans un appesantissement de notre présence au monde, eux s'efforçaient à l'effacement, si bien qu'un même principe les prédisposait autant aux violences guerrières qu'aux raffinements de la courtoisie. »
« Les demeures évacuées finissaient par se laisser pénétrer et parfois disloquer par des coulées de verdures toujours plus exubérantes dans leurs empiètements insidieux et des massifs buissonnants jusqu'à se faire inextricables, où s'installa bientôt toute une population de bêtes timides et alertes. »
« Et il s'engagea dans une si minutieuse description de la métamorphose d'un manuscrit en livre proprement dit, précisant étape par étape les plus minces détails auxquels je devais veiller, que je compris, effaré, que du fond de son lit, brisé par la maladie et jour après jour un peu plus dépecé par les chiens de la mort, il n'avait cessé dans tous ses moments de répit de se représenter et de concevoir l'état définitif du fruit de notre aventure. Je le quittai – il me chassa presque afin que j'allasse au plus tôt m'enquérir d'un imprimeur – ébahi par cet esprit d'entreprise assoiffé d'avenir et qui ne désarmait pas. »
Si Gracq, Jünger et Saint-John Perse résonnent toujours avec bonheur dans ces pages, cette deuxième publication des éditions Attila permet à Jacques Abeille, dans le parcours labyrinthique de son narrateur sur les pas de l'opus précédent, de nous bercer d'étonnantes réminiscences d'un Giono du « Chant du monde » ou de l'atmosphère paisible, inquiétante et onirique du jeu « Myst ». Encore un intense bonheur de lecture, qui donne à attendre avec impatience le futur tome, prévu à l'automne...