Je crois que je n'aimerais pas me retrouver dans la même pièce que Ryu Murakami. Doit se passer des choses pas nettes dans son crâne.
Oubliez le Japon raffiné et réglé comme une horloge, et dites konichiwa au trash, aux rapports sociaux délabrés, aux médias poubelles, aux nerveux, aux mutilés, aux pervers, et à une brochette d'animaux foutrement belliqueux. Pour les nippons c'est rien, ils ont survécu à deux bombes atomiques et au duo Jean Reno-Michel Müller dans Wasabi, mais faut quand même avoir l'estomac bien accroché.
Reste que le tout donne un feu d'artifices assez unique. Tout peut arriver, et on ne sait donc jamais à quoi s'attendre. Le freestyle n'est pas sans sorties de route, mais il y a plein de moments réussis où la tension et la rage traversent le papier pour vous raidir les bras et vous bloquer le souffle. Vrai talent aussi pour créer des lieux: les anciennes mines, l'îlot de la drogue, la fosse au datura. On verra avec le temps, mais j'imagine que c'est un livre dont on garde des images longtemps en mémoire.
Dommage que le propos reste un peu confus sur la longueur. Les deux héros se trimballent un chapelet de névroses, et Murakami les brasse un chouia trop en roue libre. L'abandon à la naissance, érigé comme raison absolue de toutes leurs détresses et comportements (auto)destructeurs, finit par devenir un alibi un peu limité et lassant.