Voila certainement plus de 15 ans que je n’avais plus touché à une œuvre d’Alexandre Dumas, n’ayant que de vagues souvenirs des Trois Mousquetaires. Et encore, je me rappelle bien plus facilement de D’Artagnan dans sa version canine animée, que dans sa version romanesque.
Mais après quelques conseils bien sentis de mon libraire pour compléter mes connaissances littéraires et bédéphiles sur l’Italie – chose que j’aime à faire avant de partir en voyage dans un pays étranger – voila qu’il m’offre gracieusement Les Borgia d’Alexandre Dumas. C’est totalement de circonstance, car le Vatican sera au programme de cette visite Romaine. Alors certes, les Borgia ne sont pas les meilleurs représentants de l’Eglise Catholique, c’est même un sujet tabou dans l’enceinte vaticane, mais leur règne a marqué une partie de la Renaissance. Et mes connaissances sur le sujet étant très limitées (hormis l’interprétation très libre d’Ubisoft à travers la saga Ezio Auditore dans Assassin’s Creed), ce roman historique avait tout pour me passionner.
Alors autant annoncer la couleur directement, la lecture de ce roman m’a été assez difficile, pour plusieurs raisons.
La première étant l’écriture de Dumas. Non pas que son style soit mauvais ou compliqué à comprendre, bien au contraire, c’est même assez agréablement écrit, mais le texte manque d’aération. Pourtant Dumas commence par une très courte introduction, nous présentant Laurent de Médicis sur son lit de mort face au moine dominicain Savonarole, futur ennemi des Borgia, que l’on retrouvera par la suite. Puis on entre de plein pied dans l’histoire de cette famille, avec la nomination au pouvoir papal de Rodrigo Borgia, sous le nom d’Alexandre VI. On y découvre comment il a usé de la corruption pour atteindre le plus haut sommet de l’Eglise, puis la montée en puissance de ses enfants, notamment celle de César. Les trahisons et les histoires d’incestes s’enchainent au milieu des batailles qui feront la renommée militaire de César. Et c’est ici que réside le problème, il n’y a aucun chapitre, les étapes s’enchainant en un seul bloc, sans que le lecteur ne puisse réellement respirer. Ce qui est assez paradoxale pour une œuvre d’abord éditée dans la presse. C’est étonnant de voir qu’elle n’ait pas été scindée en plusieurs parties. Du coup, pour un lecteur occasionnel comme moi, c’est assez laborieux de reprendre la lecture où je l’avais laissé la veille, voir quelques jours auparavant. J’étais souvent perdu lorsque j’en reprenais le texte.
Et c’est là, la deuxième raison de mes difficultés face à cette œuvre, Dumas étant étranger à celle-ci : quel désordre politique l’Italie du XVe et XVIe siècle ! (et même jusqu’au XIXe, voir plus loin encore, mais c’est une autre histoire) Entre le nombre de duchés, de petites Républiques indépendantes, leurs gouvernants et leurs successeurs, les Condottiere et autres généraux, les noms circulent et il est vraiment compliqué de s’y retrouver par moment. L’Italie n’était pas encore un Royaume, et César a essayé d’y œuvrer pour la gloire du Vatican ainsi que pour sa propre ambition.
Avec nombres de succès (de revers aussi), dont certains s’avèrent assez épiques. Oui, parce que j’ai quand même mis « 7 », et que ces passages justifient amplement la note. Au-delà des guerres entre les différents duchés de Romagne, Naples, Milan ou bien encore Florence et Venise, je me suis « délecté » des manières usées par Alexandre VI et César pour éliminer leur entourage. Les critiques émises envers les dérives du Saint Siège étaient violemment étouffées, comme avec l’excommunication et la mort du réformiste Savonarole, responsable du Bucher des Vanités à Florence. Ou bien l’on organisait des fêtes somptueuses et des combats de tauromachie pour éliminer un ancien allier devenu inutile. Sans oublier les assassinats orchestrés tel celui du Duc de Gandie, frère et amant incestueux de Lucrèce, dont César était extrêmement jaloux. Les enlèvements et autres empoisonnements étaient également de rigueur. Pour autant c’est la bataille pour la conquête de Naples par le Roi Charles VIII qui m’a le plus fasciné. Son retour vers la France et son combat héroïque face à une armé plus imposante composée d’allemands, de milanais, de vénitiens et d’espagnols alliés de la Maison Napolitaine donne un côté purement épique et jouissif au récit.
Dumas propose ici un roman peu facile d’accès de par sa complexité historique, mais qui en fait également toute sa richesse. Comme il l’indique en épilogue, il ne fait point ici de critique du Vatican, mais bien de la dynastie Borgia, tout en montrant son influence sur le retour de Rome au premier plan. Un roman qu’il serait intéressant de compléter par la suite avec la lecture du Prince de Machiavel, décrivant plus en détails ce qui fit de César ce fin stratège.
A noter que j’ai appris que ce dernier avait été Duc de Valentinois, ce qui peut être utile dans un diner mondain drômois.