Un ouvrage assez long, qui pourrait paraître ennuyeux, vu qu’il raconte une histoire qui peut paraître banale : celle d’une dynastie de négociant à cheval sur les XIX et XXe siècles. Mais les personnages et les enjeux rendent le tout vivant, avec cette sensation de confort que procurent ces récits de vie bourgeoise, un peu comme dans du côté de chez Swan. On est en fait captivé par la dégénérescence progressive de cette ancienne famille illustre, dont la volonté de vie s’amenuise à mesure que ses membres deviennent plus sensibles, plus fins, privilégiant les arts au détriment des affaires, qu’ils deviennent de moins en moins capables de mener, faute d’agressivité, et par trop plein d’empathie.
On y trouve donc une illustration mémorable de certaines thèses de Schopenhauer et de Nietzsche. Les débats de l’époque, par exemple sur la Zollverein, permettent de replacer un peu le contexte économique d’une époque, ce que ne permet d’ailleurs pas, me semble-t-il, le milieu d’interactions des personnages, strictement limité à la bourgeoisie.
La ligne philosophique représentée par Schopenhauer et Nietzsche est assez parallèle à celle de Marx, et de ce fait, l’explication du déclassement progressif de certains personnages passera avant tout par la réduction de la volonté de vie de ceux-ci, excluant toute allusion au renouvellement des élites impliqué par la redéfinition des rapports de productions.
Il s’agit d’une œuvre assez envoûtante, notamment grâce à un mélange de saveurs entre le fatalisme de cette décadence d’emblée connue du lecteur (il aura probablement lu le 4e de couverture), et cette sensation de confort dont je parlais plus haut.