Le roman "Les captifs" fut écrit par Kessel en 1926 et dédié à sa première épouse Sandi alors déjà malade depuis plusieurs années et soignée en sanatorium en Suisse depuis 1926. Nul doute que les visites et séjours qu'il y effectua furent à l'origine de ce roman.
Le lieu du sanatorium, Le Pelvoux, est un endroit retiré en altitude. C'est un point où convergent des malades de tous pays, plutôt aisés et par nature, dissemblables. Le roman est donc un huis-clos où les gens, les captifs, s'observent et observent, cohabitent par force et dont les seules possibilités d'évasion, de retour vers une vie normale sont soit les rares guérisons soit la mort.
Une phrase résume le livre :
"Il ne pouvait plus oublier que ces gens qui riaient, jouaient, flirtaient, iraient tout à l'heure regagner leur terrasse pour y défendre leur vie, qu'ils économisaient leurs mouvements, leurs paroles, qu'un impitoyable rappel suivait toute imprudence et qu'ils étaient plus prisonniers de leurs corps amoindris que du sanatorium lui-même.."
Celui qui parle est Marc, un homme, vendeur de voitures de son état, fêtard, jouisseur, antipathique parce qu'arrogant et méprisant. Son comportement avec ses semblables qu'ils soient hommes ou femmes relève de la goujaterie. Son orgueil en prend un coup le jour où il apprend qu'il est malade et doit se soigner en sanatorium s'il veut survivre. Il sera le fil rouge du roman et comme on peut s'en douter, vivra peu à peu une sorte de rédemption.
Face à lui, trois beaux portraits de femmes Edith, Syngie et Thérèse. On ressent à la lecture du roman que Kessel a apporté toute son empathie pour ces trois personnages. Et il me plait de penser que son épouse Sindy était un peu dans chacune de ces trois femmes.
De même, je ne peux m'empêcher de rapprocher ces trois personnages du sublime portrait de Pat dans "les camarades" de EM Remarque. Comme chez Remarque, en toile de fond, la Grande Guerre et ses tranchées et sa boue ne sont jamais bien loin.
Il n'y a aucun pathos dans ce roman qui rend hommage au courage individuel de chacun de ces patients face à leur destin.
J'ai aimé ce roman et le courage intérieur de ses personnages et j'ai aimé la mise en abyme à la toute fin à propos d'un "romancier" qui se trouve là à observer un malade poussant Marc à dire : "mais que pouvait-il donc y comprendre ?"