C'est tellement la bouteille à encre que c'en est une vraie rigolade

A l'hiver 1924, à Paris le matin, nous tombons nez à nez avec une espèce de vieux sapajou dégingandé, attifé comme un perroquet déplumé, M. Élie de Coëtquidan. Suivre ce baron périmé et décrépi, râlant périodiquement des Hrrr..., Hrrr..., nous mène droit à un pavillon plutôt banal boulevard Arago. Là, nous y rencontrons, classés dans son ordre d'estime décroissant, Minine et la Grise (M. de Coëtquidan jouit auprès d'eux, les chats, d'un immense prestige), Mélanie la cuisinière, son oreiller dégoulinant de gras, et Léon de Coantré, son neveu. M. Élie de Coëtquidan apparaît au fil des pages comme un toqué, un sinoque du style à fouiller les poubelles pour y récupérer des timbres oblitérés afin de les coller sur tous les objets possibles, des paquets de cigarettes, des emballages de spécialités pharmaceutiques, des livres... Ne lui confiez pas votre courrier, il y prélèverait sa marotte. Un vrai timbré, je vous dis. Et profondément antipathique, méchant, égoïste, mauvais, en plus, ce fossile célibataire. Tiens, maintenant qu'on y est, on peut le dire, cette famille est un véritable nid de célibataires, personne n'en voudrait, de ces vieux magots sans magot habillés comme des fagots. Avant de brûler les margotins, parlons un peu généalogie, sans démagogie. L'arbre des Coëtquidan prendrait racine en l'an 1431, par actes authentiques, décoré de blasons et de particules comme l'est un sapin de boules de noël. Un certain 4 août, ça chauffe pour le sang bleu, mais que voulez-vous, le pli de l'oisiveté était pris depuis des siècles et, sans brûler les étapes, on ne peut pas trop en vouloir à ces messieurs pour ce qui suivra. Saut dans le temps, faute de source, nous en sommes maintenant au Baron de Coëtquidan, le vieux tapir claquemuré au château de Trenel. Ce pisse-vinaigre venimeux et malveillant est le père de quatre surgeons, deux filles, les « perruches », deux garçons : Élie, Octave, Émilie et Angèle. On distinguera les perruches qui, elles, se sont vu passer la bague au doigt. Émilie est désormais Mme de Piagnes. Angèle, nouvelle Mme de Coantré, a deux enfants, Léon de Coantré, que nous avons déjà rencontré à Arago, et Madeleine, mère de l'insolente Simone de Bauret.
Ah, quel beau monde ! Henri de Montherlant nous promène dans cette ménagerie avec un humour décapant, je riais comme une poule toutes les deux lignes, stylo à la main, noircissant de notes mon carnet , enchantée par toutes ces vacheries, ces rosseries sur ces gens de qualité. Il ne faut pas que j'oublie de préciser que Léon et Élie sont ruinés, ou presque, enfin c'est pour bientôt, tandis qu'Octave se situe bel et bien huit étages plus haut, au moins, dans la société, il est le fortuné de la famille. Qu'on mêle l'argent et les problèmes qu'il entraîne aux tares et vices d'une lignée : sous la plume d'Henry de Montherlant, c'est le rire assuré.
Lorsque la première partie a cédé le pas à la deuxième, je me suis dit : rebelote, le numéro comique et cruel continue. Ce portrait de Mlle de Bauret est d'un cynisme monstre, d'un de ces mordants époustouflants, quel coquin moqueur, ce Montherlant. Mais, peu à peu, insidieusement, les rires se tarissent. Mon sourire est figé, paralysé, tel une bête traquée, consternée que j'étais par les malheurs se succédant. Pauvre, pauvre Léon. Qu'ils semblent loin, ces moments où mes épaules palpitaient d'hilarité. Les tourments se succèdent, la compassion s'accroît, on s'attache à Léon, on voudrait lui tendre la main, lui redonner espoir, s’asseoir à ses côtés pour le délivrer de sa solitude. Ah, je vous jure, je regrette bien mes moqueries aujourd'hui.



Musique



Les Toros ~ Jacques Brel
C'est l'heure où les Anglaises se prennent pour Montherlant. Ah!


Mon vieux Pataud ~ Berthe Sylva
Mon Vieux Pataud toi qu'est qu'une bête
T'es bien meilleur que certaines gens
T'as pas deux sous d'malice en tête
Quand tu veux mordre on voit tes dents
Tandis qu'les hommes bêtes à deux pattes
Sous des sourires cachant leurs crocs
A l'instant même où ça vous flatte
Ça vous mang'rait cœur et boyaux
Personne nous deux Pataud n'a pu nous humilier
Moi j'n'ai jamais eu d'maître et toi t'as pas d'collier


Comme un Moineau ~ Fréhel


Un Chat Qui Miaule ~ Renaud
Dans le halo
de mon blanc falot
j'aperçois le magot.
Sous l'traversin,
j'avance la main,
quand sur le chemin...
Ce chat qui miaule,
j'vous jure ça fait drôle,
quand on cambriole sans bruit,
son cri s'élance,
tel une démence,
dans le grand silence des nuits.



Peinture – Sculpture



Clotho ~ Camille Claudel (1893)
Autoportrait à la pipe ~ Courbet (1849)
Tête d'homme âgé ~ Léonard de Vinci
Tête timbrée sur enveloppe ancienne ~ Mark Powell
Portrait de deux sœurs ~ Édouard Louis Dubufe (1840)
Le masque de la mort rouge ~ Odilon Redon (1883)

smilla
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le 23 juil. 2017

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