Frank Herbert nous a quitté en 1986 alors qu’il préparait le septième volume de la série Dune, laissant les fans rêver sur le contenu de ce roman si attendu. Et puis en 2006 parait la duologie « Après Dune », écrite par son fils Brian à partir des notes préparatives retrouvées de Dune 7. Pour les fans un rêve semble s’être réalisé.
Sur le papier on peut s’attendre, à défaut d’un chef-œuvre, à un bon roman révélant les grandes lignes du Dune 7 envisagé par Frank. Il faut dire que depuis 1999 Brian Herbert à repris le flambeau de son père et écrit 6 volumes dans l’univers de Dune, assisté du coauteur Kevin J. Anderson. Des livres mal reçus par les fans, mais au moins ce projet Dune 7 bénéficie des notes de Frank Herbert, et on espère de la part de ses successeurs un soin tout spécial pour cette histoire qui conclue la saga...
... Et bien non. Le résultat est un ratage complet qui a tout l’air d’une grossière fanfiction, et pour vous faire une idée imaginez au choix l’équivalent littéraire d’un Star Wars 9 - et cela dit sans être un fan pur et dur de la série Dune.
Pourtant le premier tome commence bien. Les cent premières pages reprennent agréablement la suite de Dune 6, mettant en scène huis-clos psychologique et luttes de pouvoirs face à un ennemi terrifiant. Puis une idée étonnante recentre l’intrigue autour d’un fan service débridé. Cette idée était peut-être présente dans les notes de Frank Herbert, mais son exploitation par Brian & Anderson vire au ridicule.
L’idée : utiliser le système des gholas pour récréer les figures mythiques de la série.
Dès lors le récit stagne, entièrement centré sur le développement de cette trouvaille scénaristique. L’intérêt n’est maintenu que par les conjectures sur l’identité de l’ennemi tant redouté, mais sa révélation à la fin du premier tome s’avère particulièrement décevante, surtout si vous avez lu la précédente trilogie du duo « Dune, la genèse ».
Au second tome commence le grand conflit. Nouvelle déception, puisque celui-ci à toute l’apparence d’une guerre de Star Wars. Cette lutte de David contre Goliath passionne peu puisque le développement de l’histoire ne cache rien des détails du grand final. Les sous-intrigues sont minces et servent uniquement à ajouter des pages.
Arrive la conclusion tant attendue. Et comme prévu se déroule un spectacle grand-guignolesque poussant au maximum les curseurs du manichéisme et du fan service, complété par un deus ex machina aberrant qui élimine le grand ennemi d’un claquement de doigt.
L’entité quasi divine nommée Oracle du temps apparaît et emporte l’esprit du principal ennemi dans un autre univers, permettant à son acolyte modéré d’offrir la paix aux humains. Un acte providentiel qui aurait pu être réalisé à tout moment…
Un tel échec littéraire nécessite des explications. Depuis 1999 Brian & Anderson produisent un ouvrage dans l'univers Dune par an et ce rythme n’a pas été modéré par la perspective d’écrire le fameux roman Dune 7 : les deux tomes d’« Après Dune » ont été écrit en une année chacun. Au tempo implacable d’un contrat d’édition s’ajoute un manque certain de talent littéraire : leur précédente trilogie « Dune, la genèse » était déjà médiocre et présentait les mêmes défauts que l’on retrouve dans « Après Dune » : manichéisme, fan-service, clichés, longueurs, invraisemblances…
Osons une psychologie sommaire. Dans sa biographie « Dreamer of Dune », Brian Herbert ne cache pas que Frank fut un mauvais père. Multipliant les déménagements, peu affectueux et présent pour son fils, il est possible que Brian se soit approprié l’œuvre de Frank comme une compensation, une source de revenue facile acquise en acceptant les principes éditoriaux grand public : quantité, simplicité. C’est l’impression que cela donne.
Vingt ans d’attente pour une histoire infantile qui semble avoir été écrite au jour le jour, et qui offre peu d’indices sur le Dune 7 envisagé par Frank Herbert : le mépris des fans envers le travail de Brian & Anderson trouve là sa meilleure explication.