Reconstruire un monde meilleur
L'archange Michel est mort. Depuis, la guerre qui opposait les européens aux armées musulmanes a pris fin. La page de « L'Ange de l'Abîme » est enfin tournée laissant, dans chacun des deux camps un goût amer de gâchis. Jemma est une mère célibataire qui survit dans le Paris d'après-guerre. Un jour, sa fille, Manon, disparaît. Elle craint le pire. Les choses prennent forme lorsque Luc, un mystérieux journaliste d'investigation lui parle de l'armée des enfants.
On prétend, en effet, que des enfants disparaissent partout dans le monde et s'en vont rejoindre l'armée des enfants. Ils refuseraient ainsi le monde en ruine que leurs parents leurs ont laissé en héritage. C'est du côté de Damas qu'ils se rassembleraient préparant une riposte au monde des adultes. Jemma et Luc entament alors un voyage vers cet Orient qui fut jadis l'ennemi absolu. Plus que la recherche de Manon, ce sera, avant tout, une redécouverte du monde et d'eux-mêmes qui va être entamée.
Comme dans son précédent opus, Pierre Bordage ponctue cette quête de visions fugaces sur le monde et de quelques personnages qui le peuplent. Des espions, des terroristes qui se font implanter des explosifs dans la chair, mais aussi une vendeuse, une SDF, des exilés. Et ce ne sont pas les vies ordinaires qui sont les moins sensationnelles dans ce monde que nous décrit Pierre Bordage. Une fois encore, tous ces personnages se passent comme un relais invisible qui nous mène à la fin de l'histoire.
Troisième et dernier volume de la trilogie des prophéties, « Le Chemin de Damas » n'est pas celui du tarsiote qui fondit ce qu'on appelle aujourd'hui l'Eglise catholique. C'est plutôt une découverte de l'homme et de ses errements. Les américains se sont bien joués des européens et des nations islamiques en les lançant dans une guerre qui les a affaiblies. Maintenant une autre guerre a commencé. Une guerre souterraine dont les soldats sont les prédicateurs évangéliques qui, au travers de cette nouvelle foi, permettent à l'Amérique de reconquérir les restes fumants de la vieille Europe.
On pourra reprocher à Pierre Bordage d'avoir commencé cette trilogie de façon si anodine puis, peu à peu, d'avoir monté en rythme, pour finalement aboutir à une conclusion trop mystique et bourrée de symbolisme pour ne pas laisser une certaine amertume au lecteur en bout de course. On lui pardonnera, de bonnes grâces, car il reste un des plus grands créateurs d'univers de la littérature française. Les paysages, les regards croisés, comptent souvent plus que le voyage ou son but. C'est une belle aventure qu'il a écrit au travers de ces trois romans. Une œuvre qui, j'en suis convaincu, aura un jour le statut de classique.