J'apprécie beaucoup la plume de Barjavel, en particulier lorsqu'il s'aventure sur les chemins médiévaux et orbite de science-fiction.
Ici, point de passé ou de futur mais plutôt la quête intemporelle sur l'existence d'une conscience supérieure dans un tourbillon de vies élevées ou écrasées par la roue bouddhiste.
Le récit débute en Europe lors de la révolte de mai 68. C'est l'époque de la grande migration mystique qui conduit des hordes de jeunes occidentaux en quête d'évasion et de valeurs plus spirituelles que matérielles. Durant le périple narré par Barjavel, ce sont des individualités qui vont se rencontrer, se lier, s'aimer mais aussi se déchirer voire mourir. Car s'il est un trait caractéristique de l'auteur, c'est une narration qui oscille entre envolées mystiques et descriptions tranchantes de morts sordides. Les héros, à l'instar du lecteur happé par leur devenir, transitent par des moments de grâce pure, d'amour infini, de plénitude et d'autres d'abattement, de stupéfaction, de malheur écrasant.
L'ambiance se veut résolument réaliste et n'idéalise en rien ce monde niché au pied du sommet du monde où se côtoient la misère (physique et morale) la plus terrible et l'élévation spirituelle la plus pure. L'épilogue est à cet égard un concentré de ces deux extrêmes.
Si le récit débute avec lenteur et connaît parfois des passages un peu dolents, l'intérêt pour ceux qui arpentent ces chemins en direction de l'orient mystérieux ne fait que croître en parallèle de la tension dramatique qui se densifie peu à peu. L'amour et la haine s'entrecroisent et nouent au final une même tresse faite d'humanité et de drame.
Tous les ingrédients sont réunis pour une magnifique conclusion qui ne pourra qu'enchanter ceux qui sont parvenus à suivre les méandres de ce voyage initiatique.