L'histoire :
Le retour imminent de la Lune signifie-t-il la fin de l’humanité ou au contraire sa rédemption ? La réponse à cette question repose sur les épaules de deux femmes, Essun et de sa fille Nassun. Essun a l’intention de se servir des pouvoirs qu’elle a hérités de son mentor Albâtre pour bâtir un monde dans lequel seraient libres les orogènes, ces mutants craints et haïs, car ils sont capables de provoquer de gigantesques secousses telluriques, volontairement ou non. Elle espère aussi mettre un terme aux Saisons, ces hivers interminables de ténèbres et de cendres qui rythment la vie des civilisations depuis l’Éclatement qui a totalement bouleversé la planète. Pour Nassun, il est en revanche trop tard. Elle a vu le monde dans tout ce qu’il avait de pire, et elle a accepté ce que sa mère n’admettra jamais : il est corrompu au-delà du point de non-retour, et sa destruction est inévitable, souhaitable même. Elle va donc tout mettre en œuvre pour qu’il en soit ainsi.
Mon avis :
Troisième et dernier tome de la Terre fracturée, Les Cieux pétrifiés ne s’adresse qu’à ceux qui ont lu les deux premiers, sinon, vous risqueriez fort de ne rien comprendre au sujet et aux enjeux de ce livre, déjà que les lecteurs qui s’accrochent encore ont du mal malgré ce synopsis en apparence limpide. Au fil des pages, ça l’est un peu moins. De quel(s) point(s) de vue le récit est-il raconté ? Quelles sont les différentes époques évoquées ? On ne sait pas trop, c’est que ça doit être super intelligent, voir le glossaire en fin de volume pour comprendre des phrases telles que « Nous sommes des composants de la grande machine, le pinacle de la biomestrise sylanagistine », ah non mince le dernier terme n’y figure même pas. N’est pas Frank Herbert qui veut. Bon, ça en jette tout de même assez pour encore remporter les prix Hugo et Nébula 2018, c’en est à croire que la concurrence est vraiment à la ramasse, ou qu’il fallait donner le prix du meilleur roman, comme tous les autres – novella, novellette, nouvelle, cycle, essai, roman graphique – à une femme, comme pour compenser des années de domination masculine. Je m’égare ? À voir… car depuis quelques temps, les Hugo sont devenus l’otage de mouvances politiques radicalement opposées, et la littérature n’a rien à y gagner. Phallocrate ? Non, juste un brin ennuyé par la longue lecture de cette trilogie que j’avais entamée l’esprit ouvert et bienveillant (voir SF Mag 100). Le projet ne manque pas d’ambition et d’originalité, ce n’est pas par là que ça pêche, mais les lacunes qui expliquent mes réserves sont plutôt à chercher du côté de la transposition verbale, de la transmission d’une vision aussi personnelle. Savoir intriguer, c’est bien, savoir pleinement partager, c’est mieux. S’il y avait une échelle de Richter capable de mesurer le souffle épique d’un roman, cette conclusion se placerait dans une honnête moyenne alors que l’ensemble promettait bien plus. « Ça a été laborieux, hein ? », demande l’auteure en fin de volume, avant de s’épancher sur les souffrances intimes qui ont accompagné la rédaction des Cieux pétrifiés, sortez les violons, les mouchoirs et les récompenses… « Un peu, en effet », lui répondra-t-on un peu gêné pour elle, mais pas trop.