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Un premier roman pudique et attachant, singulièrement subtil dans l’expression de sa révolte

On ne peut pas dire que les fées se sont penchées sur le berceau de Skander. Abandonné très jeune par une mère dysfonctionnelle et placé en familles d’accueil, le voilà qui atterrit dans le 9-3, chez Madame Khadija, bien occupée à joindre les deux bouts avec l’argent que lui rapportent les enfants de l’Aide Sociale à l’Enfance. Lui, le bon élève rêvant d’études supérieures, se retrouve au beau milieu des caïds de banlieue, des bagarres et de la délinquance, à deux doigts des filets tendus, d’un côté par l’idéologie salafiste, de l’autre, par l’argent facile de la drogue. Alors, succombera-t-il, lui aussi, à ces conditions si peu idéales ?


Caméra sur l’épaule de ce personnage en partie inspiré de sa propre histoire, Mokhtar Amoudi pose, avec une lucidité côtoyant avec mélancolie la fraîcheur candide et spontanée de son regard d’enfant, la question du déterminisme social. Habitué à s’accommoder d’un environnement affectif défaillant, Skandar doit maintenant résister à la pente, où, pour avoir la paix, il lui serait facile de suivre les autres jeunes. De petits trafics en actes de délinquance de plus en plus lourds, l’engrenage est insidieux et la dérive de plus en plus franche. Sans pour autant de complaisance ni lui chercher d’excuse, la narration observe les tiraillements de l’adolescent, entretenant la tension née de la certitude de le voir vaciller sur une ligne de crête décisive. Pour lutter contre les forces de gravité qui menacent de l’enfermer lui aussi dans le vase clos de ce milieu, il dépendra de sa propre capacité de résilience, mais aussi – l’hommage transpire du texte – de l’accompagnement de l’ASE et du soutien exigeant et bienveillant de quelques adultes soucieux de son évolution.


L’on pourrait être tenté de ne voir dans ce récit que l’accumulation à satiété des stéréotypes et des clichés habituels sur la banlieue. Ce serait sans compter la voix sincère et désarmante, délaissant pathos et misérabilisme pour une bienveillance teintée d’un humour tendre, qui fait toute la fraîcheur et le charme de ce premier roman pudique et attachant, si singulièrement subtil dans l’expression de sa révolte.


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Cannetille
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le 4 oct. 2023

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