Les Confessions par ngc111
Les Confessions. Avec un titre pareil l'on s'attend à l'expiation de pêchés, à l'aveu de fautes inconnues, de pensées terribles dont nul n'a connaissance et que l'on souffre d’enclore en soi-même, de sentiments partagés ou non sur les tonnes d'évènements qui alimentent une vie, de la perception de toute chose et de l'influence qu'elle peut avoir sur le cours de sa vie.
Pourtant Jean-Jacques Rousseau ne se livre pas ici à un tel exercice ; certes ils avoue quelque léger larcin, quelque acte honteux (ses enfants abandonnés) et nous éclaire parfois quant à ses sentiments sur telle ou telle personne, mais cela reste relativement superficiel, en tout cas dans la plupart du récit. Hormis quelques passages remarquables de dévoilement où se dégage un sincérité et une profondeur d'analyse remarquables, l'auteur ne fait le plus souvent que faire défiler le fil de sa vie (qu'il expose chronologiquement grâce à ses correspondances et ses échanges polémistes ou non) et se plaindre de persécutions.
On en vient ici au plus gros reproche, et le plus fréquent chez ses détracteurs et/ou réfractaires ; Rousseau devient parfois assommant dans une deuxième partie où son comportement tourne vite à la paranoïa (parfois fondée certes) ou en tout cas à la plainte perpétuelle de la trahison. En lisant ses mémoires, on ne peut s'empêcher de trouver inquiétant le nombre de fois où il se considère "trompé", avec certes une échelle de valeur sur la tromperie assez large il faut le reconnaître, par ces amis dont on ne sait plus très bien s'ils le sont encore. Tout cela achemine lentement mais sûrement le roman vers une redondance de propos qui nuit un tant soit peu à la deuxième partie, alors même que la première coulait comme un joli ruisseau dans une fraîcheur printanière.
Car la qualité d'écriture, l'agréable sensation de l'auteur inspiré qui nous fait partager de bons et agréables moments, on la trouve aussi dans Les Confessions ; au travers des sentiments éprouvés pour Mme de Warens qu'il considère comme une maman (qu'il appelle ainsi d'ailleurs), de la douce solitude dont il profite sur une île d'un lac suisse alors que l'opprobre semble ne cesser l'accompagner, la ferveur qu'il met dans son oisiveté à se promener, découvrir la nature et se trouver des goûts d'herboristes.
Les belles choses ne manquent pas et l'on s'amuse aussi des propos pleins de justesse pour caractériser son comportement en société (avoir les mains occupées plutôt que rester à bavarder et se perdre en futilités) ; mais on aurait aimé en avoir plus justement.
Nul doute que Rousseau avait le talent pour nous peindre des scènes et des sentiments comme Proust ou Chateaubriand ont su le faire, mais il n'a été que trop avare sur son rapport à la religion et à Dieu, sur son désir permanent de solitude et d'oisiveté, sur l'amour qu'il a éprouvé envers d'inconnues sylphides, et même sur son attachement à l'Homme dont il ne fait que détailler les trahisons et conjecturer sur les plans machiavéliques qu'il peut concevoir pour nuire, sans jamais vraiment s'arrêter sur la profondeur de ses relations avec ces conspirateurs.
Au final on ira pas jusqu'à dire qu'il existe une dichotomie entre les deux parties de ces confessions, mais il est indéniable que là où la première réussit à nous séduire, la deuxième agace par moments.
Des moments heureusement remplacés par le fumet odorant et appétissant de la belle littérature, délicate et agréable.
Comme une promesse de saveurs exquises, qui excitent le palet mais dont on a terminé le repas en quelques bouchées, et dont on ressent un peu trop la frugalité.