Des nouvelles d'horreur très efficaces dans lesquelles les horreurs bien réelles de notre monde bien glauque prennent une coloration surnaturelle.
Ça se lit très bien, très vite. Tellement vite que l'ayant lu il y a un petit moment déjà, quelques imprécisions ont pu se glisser dans la critique. La substance reste la même. Au moins, la critique bénéficiera d'une réflexion à froid.
Le refus quasi systématique de l'autrice de nous expliquer le pourquoi du comment, d'arriver même à une conclusion qui clôt quoi que ce soit fait la force de ce recueil. Elle nous laisse en suspens et alors l'imagination prend le relai et nous frappe. Ça me rappelle un peu ces shorts story ou autre thread sur twitter qui en quelques mots posent une situation qui excite l'effroi dans lesquelles les chutes n'en sont pas mais sont plutôt des sortes de cliffhanger sans lendemain. Surtout, l'absence de conclusion et de "lore" nous empêche de nous détourner du véritable sujet, de "qu'est-ce que ça nous raconte".
Car contrairement aux textes lacunaires sus-cités chaque nouvelle est assez longue pour aborder un ou plusieurs thèmes :
Du sort réservé aux laissés pour compte d'une société égoïstement bien rangée ou chaque petite famille bien proprette évolue dans sa petite maison bien carrée de chaque côté d'une rue bien observée.
Des fantasmes les plus morbides des solitaires atomisés.
De cadavres d'enfants non désiré enfoui dans le jardin faute de contraception (tkt la campagne française il y a quelques décennies).
D'enfants disparus dans un environnement prédateur les amenant peut être à une vengeance voire une révolution, entre The Wall, Simetierre et film d'horreur dans lequel les antagonistes sont les enfants (j'ai plus le titre en tête, aidez moi).
De la jalousie sororicide par compétition relationnelle dans un univers hétéronormé monogame standardisé malsain...
et de la condition féminine, beaucoup. Autrice féministe spotted. Chaque protagoniste est d'ailleurs une femme et même quand ce n'est pas le thème principal, l'angle de traitement du sujet reste un regard féminin bien conscient de l'être.
Bref, à travers l'horreur Mariana Enriquez nous parle du réel de la société. Argentine principalement, Sud-américaine surement (réminiscence de Mâchoires de Monica Ojeda) mais pas si exotique que ça pour nous autres européens, similitudes judéo-chrétiennes, capitalistes, individualistes, prédatrices (rayez la mention inutile)...
Le surnaturel et l'exceptionnel n'y sont qu'une façon de pointer du doigt ce qui est en fait terriblement banal mais qu'on se refuse à voir si ce n'est habillé de fiction, ce qui nous fait détourner le regard...
Détourner le regard de l'horreur de nos sociétés dysfonctionnelles c'est peut être au final aussi dangereux que de fumer au lit.