La Hague, les hameaux de Goury, et de la Rogue, le sémaphore, le phare. Et la « lointaine » Cherbourg en arrière plan à 30 kilomètres par la côte.
C'est dans ce cadre normand qu'on trouve la narratrice, une jeune femme éprouvée par le décès de son ami qu'elle aimait passionnément. Elle a fuit son Vaucluse pour s'exiler sur cette pointe de terre isolée (juste de face de Victor Hugo : le coin semble décidément une bonne planque) et tenter d'oublier. Sauf que ça ne va pas fort : elle n'y parvient pas. Les cicatrices sont à vif. La dame est ornithologue. Elle bosse pour le GON dont les quartiers se situent à Caen (autant dire au bout du monde). Elle surveille les nids de Cormorans (huppés je suppose, bien que l'espèce ne soit jamais indiquée), les compte, les répertorie et étudie le comportement des adultes. L'espèce est en régression. La faute aux rejets de la Hague ? L'hypothèse, bien que soulevée timidement, paraît être aussitôt réfutée par notre héroïne déglinguée. Pas de vague (malgré ce que laisse penser le titre). La COGEMA paye des taxes professionnelles prodigieuses et il serait mal venu de cracher dans la soupe.
Mais qu'on ne s'y trompe pas, Les Déferlantes n'est pas un roman ornitho. Encore moins un plaidoyer écologique. Loin s'en faut. Le livre s'articule le long d'une ligne directrice (une intrigue, quoi), déchirée en une multitude de petites scènes (chapitres de deux ou trois pages la plupart du temps, rarement jusqu'à une douzaine), au style très incisif aux phrases très courtes, à la ponctuation abondante. Les virgules sont tellement nombreuses que j'ai eu du mal à m'habituer au style de Claudie Gallay : ma lecture me paraissait hachée et n'avançait pas malgré la volonté affichée de l'auteur de donner un certain dynamisme au texte. Paradoxal !
Notre héroïne passe donc du temps sur les falaises du Cotentin, jumelles autour du coup, petit calepin dans la poche, vent dans les cheveux et embruns dans la gueule. Elle passe beaucoup de temps aussi au village (comprendre le hameau de Goury, bourgade minuscule que j'hésite même à qualifier de hameau). Elle y passe tellement de temps qu'on en vient même à se demander quand elle bosse. Elle s'occupe de tout. Et surtout de ce qui ne la regarde pas. Constante dans les lieux reculés dans lesquels il ne se passe jamais rien ? Alors quand un inconnu débarque, c'est l'extase. Tout le monde regarde en coin le nouveau venu et spécule sur son identité. Qu'on ne tarde de toute façon pas à connaître. C'est Lambert, le fils aîné d'un couple qui venait chaque été en vacances à Goury et qui s'est noyé en 1967 avec leur cadet en rentrant d'une virée sur l'île d'Aurigny. Des lustres qu'on n'avait plus vu Lambert dans les parages. Personne ne l'avait d'ailleurs reconnu. Même la vieille Nan s'est trompée en croyant reconnaître en lui un certain Michel.
Qui est Michel ? La question est posée : et c'est le sujet du livre. Dommage qu'on voie la solution se profiler très tôt, plusieurs centaines de pages avant l'officialisation de l'auteur. Une intrigue qui intéresserait TF1 pour sa désormais célèbre saga estivale « drame familial et fils caché ».
Du bon et du moins bon dans ce livre.
Une atmosphère extraordinaire qui donne envie d'aller arpenter les GR du littoral en Cotentin. Les chaussures de rando me démangeaient, les collines, les falaises, la bruyère et les piafs... je vivais tout cela en même temps que les personnages. Connaissant bien l'endroit, je m'y voyais tout à fait.
Mais je n'ai pas réussi à m'identifier à l'un des personnages. Même pas à l'ornitho de service qui fait pâle figure. C'est mon plus grand regret : Claudie Gallay n'a manifestement pas beaucoup creusé les mœurs quasi sectaires des fous des bêtes à plumes. Beaucoup d'imprécisions, de termes inappropriés et même quelques erreurs assez grossières (mais qui passeront totalement inaperçues pour un non spécialiste). Un exemple ? Un mot tout simple : « oiseau ». Il revient sans cesse dans la bouche de l'héroïne alors qu'il est habituellement très peu employé par les passionnés. Etrange ? Pas vraiment en réalité. Le terme « oiseau » est tellement général que pour un spécialiste il ne signifie rien. L'ornitho n'observe pas d'oiseaux. Il observe des pigeons, des pinsons, des mésanges, des cormorans, des bécasseaux... J'imagine que, dans le même goût, un garagiste ne parle pas de « voitures » mais désigne un véhicule par sa marque ou son modèle ; un bucheron parle à mon avis de chênes, de hêtres, de bouleau et non pas d'arbres...
En bref, un livre sympathique que j'ai lu avec plaisir mais qui ne sort pas du commun. Ce n'est pas la lecture de l'année.
BibliOrnitho
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le 21 juin 2012

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