8 : à lire (à condition d'avoir quelques notions préalables sur l'époque, sinon risque d'overdose d'informations).

A noter que j'ai choisi l'option "a envie de le relire", ce qui m'arrive rarement.

Je peux comprendre pourquoi on a reproché la multiplication des intrigues qui tend à perdre le lecteur, vu que l'on suit en parallèle les grandes cours d'Europe de la seconde moitié du XIIIème siècle tant dans leurs luttes intestines que dans leurs problématiques géopolitiques à l'échelle européenne, voire [extrême-]orientale. Encore une fois, ainsi que je l'ai déjà dit pour "la dame du Palatin", P. de Carolis sait instiller avec brio les notions d'Histoire au cœur de la fiction. En ce qui me concerne, j'apprécie vraiment, d'autant que je lui trouve un style fluide particulièrement agréable à lire.

Je lui ferai néanmoins le même reproche que pour "la dame du Palatin". Au début de l'œuvre on est vraiment très proche des protagonistes, dont on décortique la psychologie dans le moindre détail et dont on vit à l'unisson les joies, les peines et les craintes. En un mot, nous abordons des êtres de chair et de sang parcourus par des préoccupations purement humaines. Puis, à mesure que le récit avance, un recul s'opère et l'on s'achemine toujours un peu plus vers une magistrale leçon d'Histoire. D'où l'agacement ou le découragement de certains. A nouveau, je serais tentée de dire que l'on frise parfois le catalogage de faits. Si le début s'attarde, pour notre plus grand plaisir, sur le moindre détail anecdotique de la vie de nos héroïnes, on se détache peu à peu d'elles pour les observer à distance, un peu comme si l'accession au statut de reine nous avait fermé l'accès à leur univers mental, que l'on se contente désormais d'effleurer au détour d'un dialogue ou d'un trait narratif. Bref, on passe de la petite fille innocente et touchante à la reine "belle [...] comme un rêve de pierre" accaparée par des manœuvres politiques. Certes, on ne peut nier que cela s'inscrit dans le cadre du roman de formation et la croissance psychologique du personnage en fonction du contexte dans lequel il évolue. Par ailleurs, la notion de temps est un peu flouée malgré les précisions à chaque ouverture de chapitre ou à chaque changement de pays. Je me suis sentie un peu perdue parfois, surtout quand on avance avec la cour de France, pour revenir deux ans en arrière à la cour d'Angleterre et refaire un bond de trois, pour finalement balayer en quelques pages les vingt ou trente dernières années d'Eléonore et de Marguerite. Au final, jaurais peut-être préféré un peu moins d'Histoire au profit d'un développement des personnages de Béatrice et de Sancie. On ne peut pourtant pas tenir rigueur à l'auteur de faire de cette dernière une ombre, car on ignore apparemment tant de choses à son sujet.

Il n'empêche que j'ai tout de même aimé, puisque, au-delà de l'Histoire, nous voyons se déployer une admirable galerie de portraits. Les quatre demoiselles incarnant chacune un trait de caractère distinct : Eléonore la volonté et la sensualité d'une digne héritière spirituelle d'Aliénor d'Aquitaine (dont elle est loin d'être une pâle copie pour le clin d'œil au passage de Fontevraud), Marguerite la reine discrète qui agit dans l'ombre à la cour de France où les femmes doivent manifestement se contenter de pondre des héritiers, Sancie la comtesse rêveuse et féérique, et Béatrice, l'éternelle petite fille, béate devant son rustre d'époux et dont la soumission (pour ne pas dire la résignation) agace au plus haut point. Cela sans compter, les splendides figures maternelles que son Blanche de Castille et la comtesse Béatrice de Savoie-Provence, qui saisissent l'occasion du veuvage pour affirmer une autorité jusque là étouffée.

Et puis, en dépit de cet imbroglio d'intrigues, il faut saluer aussi un travail de bénédictin permettant, ce qui est rare, d'avoir une vision globale de la situation politique de l'Europe à cette époque. Ainsi n'avons nous pas à choisir entre une intrigue à la cour d'Angleterre ou une autre au palais de Saint-Louis, ou une nouvelle histoire des cathares, par exemple.

Non vraiment : à lire sans modération !
Mellissende
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le 19 août 2011

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Mellissende

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