Un roman d'anticipation court (220 pages), très K. Dickien dans les thèmes qu'il aborde : futur dystopique, paradoxes temporels, un brin de paranoïa et de dissimulation, personnages pour la plupart gravement atteints du casque, mystérieux démiurge (Lanoy), dope. Sans toutefois verser dans la noirceur totale du susnommé, l'humour et l'humanisme bienveillant de Silverberg venant y apporter un ton un peu plus léger: ces deux attributs n'étant pas, comme chacun sait, des traits marquants de la plume de K. Dick.
Mais bon, il y a de quoi se demander s'il ne s'agirait pas d'une sorte d'hommage. Hypothèse qui me semble-t-il tient la route sur la plan chronologique, "Les déserteurs temporels" ayant été publié en 1967. D'autant qu'en termes de rythme (tempo élevé) et de longueur (roman court), on est également dans le ton. A moins, toutefois, qu'il ne s'agisse simplement que d'inspiration ou d'influence, ce qui ne serait guère surprenant lorsqu'on connait l'importance de K. Dick pour le genre de la S-F.
Ces considérations mises de côté, voilà en tout cas un titre qui confirme l'éclectisme du talent de Silverberg, capable d'aborder avec bonheur à peu près la totalité des sous-catégories de la science-fiction. Car ce bouquin est une réussite, agréable à lire, avec la toile de fond de ce vingt-cinquième siècle qui se met peu à peu en place au fil des pages pour nous livrer un final pour le moins haletant. Et le paradoxe temporel, thématique casse-gueule par excellence, est lui aussi parfaitement maitrisé, très habilement mis en oeuvre et sans prise de tête pour le lecteur.