"l'un de Jésus-Christ; l'autre de Lucifer" Saint Ignace
Les deux étendards est le roman le plus complet, le plus profond et le plus dense que je n'ai jamais lu. Si l'on englobe l'ensemble des productions, qu'elles soient musicales, cinématographiques ou littéraires, elle fait parties des très (très) rares à m'avoir retourner les tripes. Ce livre, écrit en prison par Lucien Rebatet et publié en 1955 passe presque inaperçu dans la littérature française. Mitterrand distinguait deux catégories d'homme, ceux qui l'avaient lu et les autres. Après une lecture longue et délicieuse je ne peux que lui donner raison.
L'histoire, concentrée, s'étale sur environ trois ans. Michel, le héros, cavale entre Lyon et Paris, torturé par l'amour et la religion. Autour de lui gravite le Régis et Anne Marie, animés tout deux par un amour mystique, par une volonté de grandir leur union en échappant au temporel, à la bestialité physique pour se consacrer au spirituel en rentrant dans les ordres.
La force première de ce livre repose en ce que chaque personnage, chaque position intellectuelle frappe au coeur le lecteur par leur sublime vraisemblance. Le livre est érudit sans être pompeux, il mêle les thèmes de la religion, de la sociologie, des arts, de l'histoire avec humour, profondeur et habileté, et parvient à donner du rythme à un récit de 1300 pages ou l'action est pourtant secondaire (coucou Albert Cohen).
Avec les deux étendards, Rebatet transcende le genre romanesque pour lui donner l'un de ses plus beaux accomplissements au XXème siècle. Il n'y a plus qu'à se dire que le monde est mal fait, car alors que les littéreux se gaussent sur le nouveau roman à la fin des années 50, l'ouvrage de l'écrivain maudit se transforme en niche pour initiés.
Bref, à lire.