Difficile de trouver les mots pour décrire le sentiment que j'ai ressenti à l'issue de ces 550 pages.
Émerveillement d'abord tout au long de la lecture pour cet univers fantastique, qui réussit encore une fois à nous emporter loin dans l'imaginaire. Désenchantement, parce qu'un fois fini, je me suis sentie vraiment désemparée face au spectre de l'attente (insurmontable!) du troisième tome. Comme si je me retrouvais un peu orpheline... mais c'est aussi ça, le côté magique et obscur de la lecture.
Rappelons-nous, à la fin du tome 1, nous laissions notre héroïne prête à être présentée à l'esprit de famille du pôle, Farouk. Ophélie fait donc son entrée officielle à la cour, et peut enfin montrer son vrai visage. Malheureusement, la vie à la cour n'est pas différente des complots qui se jouaient déjà à l'ambassade et Ophélie doit désormais composer avec les aristocrates des différents clans qui ne voient en elle qu'une rivale supplémentaire. Entre Thorn,surchargé de travail à l'intendance et toujours aussi énigmatique, et Bérénilde, enceinte jusqu'aux yeux, qui a repris sa place de reine des favorites, Ophélie doit se débrouiller tant bien que mal avec sa nouvelle fonction de vice-conteuse. Et comme si ça ne suffisait pas, des notables de la cour disparaissent mystérieusement dans l'enceinte inviolable de l'ambassade. Et Ophélie se voit malgré elle responsable de l'enquête..
Si l'intrigue de ce tome 2 se concentre d'abord autour de cette enquête, il se tisse en arrière plan une histoire plus complexe. En effet, si le premier tome posait le décor, le deuxième tome vient creuser davantage dans les fondations même de l'univers des arches et de sa genèse. L'intrigue générale en ressort enrichie : les enjeux des "fiancés de l'hiver" dépassent largement les frontières du pôle pour concerner l'humanité entière. Tout semble reposer sur le livre de Farouk et des secrets qu'il dissimule. Que va révéler sa lecture? Qui sont réellement les esprits de familles, véritable divinités sur leurs arches respectives? Pourquoi leur mémoire est-elle si défaillante? et qui est ce Dieu présent dans les "bribes" et dont personne ne parle?
Ce deuxième tome de la passe-miroir nous embarque donc un peu plus loin dans la découverte de cet univers foisonnants de références. Christelle Dabos s'inspire en effet des codes de la mythologie (romaine, nordique, grecque) pour créer ses esprits de famille et leurs pouvoirs respectifs. La cour de Farouk n'est pas sans rappeler celle de Louis XIV : favorites, complots, potins et courtisans, tout y est. Tout cela dans un décor "belle époque" emprunté au XIXe siècle qui donne à cette saga un esthétisme incroyable (et qui n'est pas sans rappeler le genre steampunk, que j'affectionne particulièrement).
Si beaucoup de nouveaux personnages viennent enrichir la galerie, quel bonheur de retrouver au fil des pages nos protagonistes préférés évoluer dans ce monde à la fois merveilleux et sans merci. Ces derniers prennent de la consistance, de l'épaisseur. Notre maladroite Ophélie continue de s'affirmer pages après pages (et d'accumuler les ecchymoses) et Thorn, éternel ombrageux, perd progressivement son allure d'iceberg insensible (avouons que l'iceberg était déjà quelque peu fissuré à la fin du premier tome). Quant à leur relation chaotique, je passerai mon tour sur ce point, mais sachez que vous n'êtes pas au bout de vos surprises (et de vos peines). Archibald, le populaire coureur de jupons ne s'avère pas si superficiel qu'il en a l'air. L’ambiguïté autour du personnage de Berenilde s'efface pour en faire finalement une véritable alliée, et Tante Roseline reste ce roc immuable de féminisme et de soutien moral.
La seule partie qui m'a moins convaincu, c'est la visite impromptue de la famille d'Ophélie au pôle. Même si elle a le mérite de nous rappeler les valeurs familiales dont Ophélie a hérité ( et de nous faire revoir son grand-oncle), je pense en effet qu'elle apporte des longueurs et qu'elle sert trop peu l'intrigue.
Malgré cela, les disparus du Clairdelune reste une réussite. L'auteur signe un deuxième tome abouti qui vient donner à cette saga un caractère et une puissance imaginaire sans égal. Je ne la remercierai jamais assez de m'avoir rappelé un des premiers rôle de la littérature : nous faire rêver. La passe-miroir restera donc pour moi une série jeunesse incontournable.