943 Pages de Vies : Entre Destins et Histoire

Parfois, on ne demande pas à un auteur de nous raconter une histoire, mais plutôt de nous la montrer, de nous la faire vivre. C’est exactement ce que propose ce livre.
Et quel livre !

Nous suivons la vie de la famille Effinger, et plus particulièrement celle des deux fils : Paul et Karl. En chemin, nous rencontrons ceux qui croisent leur route, ceux qui s’y attardent, et nous traversons les époques, les mentalités, et les destins.

Pendant les 943 pages qui composent ce roman, on s’attache aux personnages. Ils nous émeuvent, nous attristent, nous réjouissent et parfois, ils nous font rire. On partage avec eux le quotidien, avec ses jours heureux comme ses jours sombres. On s’attarde sur ce qui est essentiel, tout en prêtant attention aux détails moins importants, mais jamais négligeables.

Est-ce un livre qui dépeint uniquement la vie juive ? Je ne pense pas. Son ambition me semble bien plus large. On suit cette famille de 1878 à 1948, une période riche et troublée.

Ce qui frappe, c’est notre conscience de leur avenir. Nous savons déjà ce qui les attend : la montée du national-socialisme, les lois anti-juives, l’horreur des camps de concentration et de l’antisémitisme. Nous observons leurs décisions avec regret, car, contrairement à eux, nous connaissons leur futur. Pourtant, ce roman ne se réduit pas à cela, et c’est tant mieux.

J’ai parfois l’impression de lire des histoires qui n’existent que grâce à la Seconde Guerre mondiale. Bien que ce soit toujours passionnant, ce livre parvient à aborder cette période autrement, sans en faire la trame principale. C’est ce qui le rend si puissant et unique.

Mon seul regret est que l’on se sent parfois perdu, précisément parce que, pour une fois, l’auteur ne nous prend pas par la main pour nous montrer ce qu’il souhaite souligner. C’est une liberté déroutante, presque déconcertante, surtout lorsque l’on n’a pas l’habitude de ce type de récit. Mais c’est aussi ce qui rend l’expérience unique : on avance avec les personnages, on cherche, on découvre par nous-mêmes, comme dans la vraie vie