Je vous parle d'un temps que les moins de 6000 ans ne peuvent pas connaitre...

Voilà près de 5 ans que j'avais acheté Les Enfants de Húrin, lors de sa sortie. A l'époque je ne sais plus si j'avais déjà lu la Communauté de l'Anneau ou si je l'ai lu après (je crois que c'était plutôt après), mais quoi qu'il en soit sur le moment je me suis sans doute un peu emballée et je m'étais dit que ce serait peut-être avec ce livre là que j'allais vraiment pénétrer dans l'univers de Tolkien (d'un point de vue littéraire j'entends), doucement mais surement. Il me semble qu'à l'époque j'avais seulement lu la préface écrite par son fils Christopher, et ça a dû me rebuter car j'avais senti que non, ce ne serait pas avec ce livre là que j'arriverai finalement à me plonger enfin dans les mythes de la Terre du Milieu. Et peu à peu, ce livre a fini par prendre la poussière sur ma table de nuit, toujours à la dernière place de ma pile de livres à lire sans cesse renouvelée. Je n'arrivais jamais à trouver la motivation pour m'y mettre, je crois que j'avais peur d'aborder Tolkien en fait, persuadée que l'univers qu'il avait créé était bien trop riche et complexe pour que je puisse en saisir toute la portée, son style d'écriture aussi me repoussait. Et je pense également que je ne me sentais pas prête tout simplement, que je n'avais pas la maturité nécessaire pour aborder et apprécier pleinement ce livre à sa juste valeur. Et au final, j'ai vraiment bien fait d'avoir patienté !

C'est finalement avec Bilbo le Hobbit que j'ai pu véritablement découvrir les délices de cette mythologie (voir ma critique pour plus de détails), et c'est hier - après ma deuxième lecture des aventures de notre petit Hobbit - que je me suis finalement décidée à partir à l'assaut des Enfants de Húrin, armée d'une volonté que je n'avais pas alors. La surprise fut grande, et ce, sur plusieurs points.

Passer directement de Bilbo le Hobbit aux Enfants de Húrin, c'est un peu passer du coq à l'âne (j'ai failli écrire une autre métaphore du genre scabreux, mais j'ai trop honte alors je vais me retenir). C'est même un peu violent comme transition, tant les deux histoires racontées n'ont absolument rien à voir. Ici, pas de Hobbit fumant la pipe autour d'un bon feu, pas d'aventure au sens positif du terme, pas de magicien, pas de féérie ou d'ambiance bon enfant, rien de tout cela. Dans cette histoire, tout n'est que noirceur et ténèbres. Tolkien nous dépeint un monde très ancien, appartenant désormais aux légendes et aux vieilles histoires dont même les Elfes ne se souviennent plus (sauf Galadriel vu qu'elle était déjà née au moment des faits, la vieille peau), du temps où Morgoth était encore à l'oeuvre. Ici l'atmosphère est véritablement à l'opposée de Bilbo le Hobbit : la cruauté, la guerre, le désespoir, la mort, le glauque et le tragique ne cessent de se côtoyer. Super ... Première surprise donc.

Mais là où je me suis vraiment surprise moi-même c'est que j'ai complètement dévoré le livre ! J'ai mis moins de 24h pour le finir, j'crois que j'ai jamais été aussi vite... Non pas que je me suis totalement passionnée pour Túrin en lui-même, mais c'est surtout parce que là encore le style de Tolkien est fluide et efficace. Les descriptions ne s'éternisent pas, le récit n'est pas sans cesse interrompu par les poèmes et les chants en tout genre puisqu'il n'y en pas, l'histoire est toujours continue et nous tient en haleine, et il m'a été impossible de décrocher car ici on ne suit qu'un seul et même personnage. La seule gêne que j'ai ressenti c'est que je devais avoir sans cesse la carte du Beleriand et les arbres généalogiques des différentes familles sous le nez pour toujours me repérer géographiquement et retenir qui était qui afin de ne pas me perdre dans l'histoire et de décrocher. C'est là à la fois l'inconvénient et le génie de Tolkien que d'avoir développé un monde aussi complexe que celui-ci. Mais bon à part ça, ça passait comme dans du beurre. Et puis à force de m'intéresser à cet univers, j'avais suffisamment de notions sur ce qu'étaient les Ainur, les Valar et tout le tsoin-tsoin pour mieux appréhender le contexte même si je n'ai pas (encore) lu le Silmarillon.

En tous les cas, si tu ressors de Bilbo le Hobbit enchanté et le sourire aux lèvres, prêt à prendre ton sac à dos pour parcourir le monde, avec Les Enfants de Húrin t'as surtout envie de te tirer une balle limite, tant l'histoire est sombre et dépressive ! Mais là où j'ai pris vraiment mon plaisir c'est qu'à travers ce livre j'ai pu en apprendre plus sur le Premier Age, la splendeur et la grandeur des anciennes cités elfiques, Morgoth etc... Et j'ai enfin compris la différence entre les Eldar, les Noldor et les Sindar. J'ai découvert pas mal de nouvelles choses et c'est pour ça que j'ai aimé ! Et ce qui m'a étonné dans ce récit, c'est que j'ai pu entrevoir diverses influences issues des tragédies grecques (je pense à Œdipe roi notamment) ou de Shakespear (un moment donné je me suis demandée si ça n'allait pas finir à la Roméo et Juliette), dont Tolkien s'est sans doute inspiré malgré lui ou volontairement. Et j'aime beaucoup ce genre d'histoires car l'être humain n'est jamais aussi vrai, aussi profond que dans ces grands moments tragiques où il voit son destin s'écrouler (ou s'accomplir selon le point de vue). C'est à la fois beau et terrible.

J'ai donc bien fait d'avoir écouté mon instinct et d'avoir lu ce livre seulement maintenant, car je me sens vraiment satisfaite d'avoir pu apprécier l'entièreté de l'oeuvre, et d'avoir compris son contenu. Je ne pense pas que cela aurait été le cas 5 ans plus tôt. Bon après, j'ai pas aimé autant que j'aime l'histoire de Bilbo le Hobbit, mais c'est un bon livre indéniablement. Désormais je me sens plus que jamais motivée à poursuivre ma quête dans l'univers de Tolkien. Prochaine étape : Le Seigneur des Anneaux.