Sur les trois livres rassemblés dans « Les Essais » de Montaigne, je n’ai lu que le premier. Et pourtant, j’ai l’impression que ces quelques centaines de pages contiennent déjà toute la sagesse et la matière philosophique nécessaires à la « vie bonne ».
Avec une langue percutante, riche et naturelle, Montaigne nous parle de la mort, de l’éducation, de la culture, du voyage, des émotions, des hommes, des arts, de l’Histoire et de la poésie. Son propre texte et les vers latins qu’il ajoute forment ensemble une œuvre bouleversante, profonde et intemporelle.
J’insiste sur la notion d'intemporalité. C'est toujours un privilège exceptionnel que de recevoir directement des conseils et des enseignements d'un génie des siècles passés. Mais cette expérience transcende le lecteur qui prend conscience que ces conseils nous touchent profondément, nous moderne, et impactent frontalement notre vision du monde et des hommes. Car en effet, dans ce cas, les siècles et la distance sont soudainement oubliés : c’est une conversation des âmes à l’échelle universelle.
Montaigne se place dans l’histoire des idées et de la littérature comme une plaque tournante en Occident ; il forme à lui tout seul une transition remarquable entre le monde antique/médiéval, et le monde moderne. Ainsi, il puise son inspiration et ses idées dans la littérature antique, principalement romaine, puis transpose les réflexions d’Horace ou de Cicéron pour les appliquer à son époque (car selon lui tout savoir doit pouvoir s’appliquer en pratique). Il invente le genre prometteur de l’essai, et peut être considéré comme le premier grand philosophe et écrivain français. Il est ainsi, dans l’histoire de France et plus largement de l’Occident, un penseur fondamental.
Montaigne maîtrise incontestablement l’art de la formule, et je n’ai pas pu m’empêcher de recopier une bonne centaine de citations extraites du premier livre, qui par leur concision et leur esprit, pourraient s’appliquer à tous les évènements de la vie. Les Essais forment un guide, un Vade-Mecum, qui, comme l’aurait voulu son auteur, doit non seulement se lire, mais aussi se digérer et se pratiquer. Il me parait donc trop tôt pour juger de l’influence de cette œuvre sur moi, car j’estime que ses enseignements s’étireront tout au long de ma vie.