Les Événements par Stéphane Lucien

Le narrateur quitte Paris dans une Toyota vers le sud, traversant une France plongée dans la guerre civile, croisant un regard parfois très militaire sur les lieux avec une capacité à zoomer sur la faune et la flore, les bruits et les odeurs ; mobilisant donc un esprit froid (instinct de survie) doté de tous ses sens (rappel de la vie qui continue malgré tout). Milices et Forces d’interposition jalonnent une micro-balkanisation du territoire où tous les classiques du voyageurs (rond-points, motels, routes nationales et départementales) sont revisités sous l’éclairage du danger permanent. Le narrateur a ainsi plusieurs fois des envies irrépressibles de pisser dans des moments qui ne s’y prêtent pas du tout. La guerre n’est pas un état normal pour vivre. Tout y est affûté : les gens, leurs natures misérables ; les choses et les lieux, leurs natures périssables ; la nature, restant étrangère aux conflits des hommes, seule permanence des choses. Il y a quelques mois on lisait dans le dernier Patrick Modiano ces lignes qui expriment bien l’omniprésence de cette nature: « dans les périodes de cataclysme ou de détresse morale, pas d’autres recours que de chercher un point fixe pour garder l’équilibre et ne pas basculer par-dessus-bord. Votre regard s’arrête sur un brin d’herbe, un arbre, les pétales d’une fleur, comme si vous vous accrochiez à une bouée ».

Le fait que certaines milices soient islamistes aurait vite fait d’houellebecquiser l’auteur à tort. Si Jean Rolin vient du maoïsme, son œuvre romanesque est plus mélancolique que politique et rien chez lui n’est réactionnaire.