La France est en guerre, la plus cruelle, la plus sale : la guerre civile. On ne saura rien des tenants de ces « évènements ». La FINUF (Force d’Interposition des Nations Unies en France) est, théoriquement, garante de quoi, je n’en sais fichtrement rien. Les finlandais et Ghanéens qui la composent s’en moquent royalement et font un léger trafic (faut bien passer le temps). Qui sont les belligérants ? Plusieurs factions de l’ultra droite à la gauche révolutionnaire en passant par les salafistes.
Le narrateur, on ne saura rien de plus sur lui, ni pourquoi il se trouve dans cette galère. Il tient une sorte de journal tout au long de la route qui le conduit jusque dans le sud.
« C'était un des petits plaisirs ménagés par la guerre, à sa périphérie, que de pouvoir emprunter le boulevard de Sébastopol pied au plancher, à contresens et sur toute sa longueur. Ainsi débute le voyage du narrateur au volant d’une Toyota en bout de course, muni de sauf-conduits idoines. Ce pourrait être déchirant, dur, cruel. Non, Jean Rolin manie l’ironie, la mélancolie, le rêve désenchanté. L’itinéraire, les paysages sont prépondérants dans ce livre avec une précision de carte routière ou de guide du routard. Les villes et villages sont déserts si l’on excepte les différentes milices. Un voyage du nord vers le sud par les petites départementales et de l’hiver vers l’été.

Le narrateur restera toujours à la périphérie de la guerre, pardon, des évènements. Pourtant, ce conflit en arrière-plan est omniprésent et je n’ai pu m’empêcher de penser à ce qui s’est passée en Yougoslavie ou, plus lointain, en Algérie.

Le narrateur raconte son odyssée avec, de temps à autre, les commentaires d’une tierce personne qui replace dans son présent les évènements. Le récit tient plus du relevé toponymique des paysages, des villes et lieux-dits traversés que du récit de guerre. Aucun affect, rien qui ressort d’un sentiment quelconque. L’humain, hormis les belligérants en arrière-plan, est absent. Un livre très étrange où j’ai retrouvé la petite musique de Jean Rolin, ce décalage entre l’horreur des évènements et la permanence des paysages traversés où tout semble tranquille, les oiseaux chantent, l’Allier coule, seuls les villages traversés sont déserts.
Par contre, Port de Bouc, citadelle aux noms de rues fleurant bon le communisme d’après-guerre, est très agitée. Là, nous assistons aux combats entre milices d’extrême-gauche (temporairement unies) et Al Quaïda dans les Bouches-du-Rhône islamiques (AQBRI). La guerre existe vraiment dans cette poche.

Un livre très étrange qui peut désemparer, voire plus, comme ma Comète. Cette distanciation, ce grand écart entre l’horreur que sous-tend une guerre civile et l’apparente tranquillité et le détachement du narrateur désoriente. L’absurde, la neutralité, le décalage, l’ironie, le désenchantement sont la marque de fabrique de Jean Rolin. On aime ou on n’aime pas. Moi, j’aime son écriture et son style.
zazy
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le 20 mars 2015

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zazy

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