Cette anthologie établie et traduite par Jacques Finné, rassemble onze nouvelles écrites par des femmes de l’époque victorienne (1837-1901), souvent méconnues en France. Un tel recueil comblera nécessairement les amateurs de surnaturel.
Tous ces récits –si l’on excepte celui d’Elizabeth Linton, faussement fantastique – ont pour point commun la présence de fantômes qui avertissent ou réclament des réparations qu’ils n’ont pas obtenues durant leurs existences terrestres. Les styles de ces auteures, bien que variés, ont tous un charme suranné qui conduit le lecteur dans de vieux châteaux, des manoirs en ruines, des salons sombres où crépitent des feux de cheminées alors que dehors sévit la tempête… L’atmosphère est donc primordiale dans ces nouvelles. Elle est en effet propice à l’irruption du surnaturel. Nous sommes ici confrontés à différents types de hantises, dont certaines sont traditionnelles – loup-garou, fantômes vengeurs de personnes assassinées… - alors que d’autres spectres prennent des formes plus originales – un homme à grand nez, une petite fille qui tente de regagner sa maison, et même une fenêtre fantôme.
Voici un petit aperçu de ce qui vous attend dans ce recueil angoissant:
- Dans « L’histoire de la vieille nurse » (Elizabeth Gaskell, 1852), une fillette et sa nourrice sont contraintes de vivre dans une demeure ancestrale habitée par deux vieilles dames et par… quelques fantômes. L’idée d’une petite fille fantôme qui supplie pour qu’on la laisse entrer rappelle une scène des « Hauts de Hurlevent » d’Emily Brontë (1847). Or, étant donnés les liens qui unissaient Elizabeth Gaskell à la famille Brontë, on peut supposer qu’elle s’est inspirée de l’apparition de Cathy Earnshaw, en développant plus longuement l’idée dans sa nouvelle. Toujours est-il que ce récit est très efficace. La peur est omniprésente et va crescendo. Les spectres sont là pour dévoiler un secret familial honteux et pour accabler de remords les vieilles dames qui ont commis le mal dans leur jeunesse. C’est donc un récit à la morale bien victorienne.
Dans « Le visiteur d’Evelyne » (Mary Braddon, 1862), un jeune homme mort en duel revient d'outre-tombe pour dérober à son rival ce qu'il a de plus précieux. Le tout est rédigé dans un style très pur et l’atmosphère du XVIIIème siècle donne un charme supplémentaire au récit.
« L’amant fantôme » (Vernon Lee, 1886) est une nouvelle ambiguë par les nombreuses interprétations qu’elle peut susciter. Le narrateur est un peintre qui s’installe chez les Oke du manoir d’Okehurst pour faire des portraits du couple. Il découvre ce faisant un lourd secret familial, ainsi que le caractère pervers de Mrs Oke. Est-elle la réincarnation de son ancêtre meurtrière ? Ou est-ce Mr Oke qui est gagné par une jalousie paranoïaque? L’histoire finira en tout cas tragiquement.
« La prière » (Violet Hunt, 1896) évoque le cas surprenant d’un homme ramené à la vie par l’amour de son épouse, alors qu’il était cliniquement décédé. Mais cette prière imprudente adressée à la divinité semble bouleverser l’ordre des choses et Mrs Arne finira par s’en repentir.
« Fourrure Blanche » (Clemence Housman, 1890) est selon l’éditeur « une des plus grandes nouvelles lycanthropiques de tous les temps ». Le récit commence dans une ferme, un soir de tempête, alors qu’aux rafales de neiges se mêlent d’étranges coups frappés à la porte. Puis une mystérieuse étrangère fait son apparition. On l’appelle Fourrure Blanche et sa beauté farouche ne tarde pas à subjuguer Sweyn, véritable héros de la communauté. Seul Christian, frère jumeau de Sweyn, a compris que le baiser de Fourrure Blanche donne la mort. La nouvelle culmine en une course effrénée dans la neige, une symphonie en blanc et rouge qui mènera au sacrifice fraternel.
Ces quelques récits et bien d’autres encore réjouiront les amateurs de fantastique ! Le choix des nouvelles est varié et vraiment pertinent ; elles sont quasiment toutes de grandes qualité. C’est aussi l’occasion de découvrir des femmes écrivain d’un grand talent, dont certaines sont publiées en français dans la collection Domaine romantique. A la fin de cette anthologie vous trouverez des renseignements précieux concernant les auteures choisies et leurs oeuvres.
Notons qu'il existe un pendant masculin à ce livre, intitulé "Les fantômes des victoriens" et dont je ne peux que vous recommander la lecture.