"Un psychodrame mère/fils avec des fantômes et de la politique mais aussi une tragicomédie sur la colère et la moralisation en Amérique." Ce résumé de Les fantômes du vieux pays (The Nix, en V.O), le premier roman de Nathan Hll, est signé de John Irving qui a adoré le livre. Il n'est pas le seul et il est vraisemblable que de nombreux lecteurs français vont tomber à leur tour en amour devant ce prodigieux tour de force, soit 700 pages gorgés d'aventures et de sentiments "larger than Life". Samuel est le pivot du roman, un professeur d'université qui passe ses nuits dans la peau virtuelle d'un elfe au coeur d'un jeu vidéo obsédant. Sa mère a abandonné le cocon familial quand il avait 11 ans et il ne s'en est jamais vraiment remis. Quant à l'amour de sa vie, rencontré à l'enfance, il l'a perdu. Et voici que sa mère fait les gros titres de l'actualité pour une "agression" contre un candidat potentiel à la présidence des Etats-Unis. Inutile d'en dire plus, Les fantômes du vieux pays est d'une telle opulence narrative qu'il serait criminel et stérile d'en dévoiler davantage. Il faut juste savoir qu'il s'agit du Grand Roman Américain dans toute sa splendeur, prodigieux par la richesse psychologique de ses nombreux personnages, ébouriffant pour ses changements de ton, époustouflant dans ses dialogues souvent hilarants, remarquable par sa construction et ses longues digressions, qui n'en sont pas vraiment puisque partie de cette fabuleuse mosaïque qui prend en compte 50 ans d'histoire américaine, avec en bonus une évocation de la Norvège de 1940. Equilibriste, Nathan Hill passe d'un personnage à l'autre, d'une époque à la suivante avec une agilité déconcertante. Il y a plus d'une scène marquante, l'acmé se trouvant dans le "reportage" sur la grande manifestation de Chicago en 1968. Des hippies de ces années-là aux geeks d'aujourd'hui, en passant par des étudiants, des flics, des publicitaires, etc, l'auteur cartographie socialement un pays et une société soumis à des convulsions récurrentes et dominés par une moralisation de la vie de ses citoyens de plus prégnante. Le livre est éminemment politique, oui, militant d'une certaine façon contre des forces qui ont de tous temps, mais plus que jamais de nos jours, tenter de raboter les libertés individuelles et collectives à commencer par celle de penser. Dense, intense et d'une humanité fragile et fébrile, Les fantômes du vieux pays est digne de tous les éloges et, plus important, se doit d'être lu par tous les amoureux de la (grande) littérature. Celle qui enthousiasme et fait frissonner de bonheur.