Cet essai se décompose en plusieurs parties et parle de sujets divers mais toujours relatifs aux femmes. Ainsi, on apprend que le féminisme, où tout du moins la question de l’égalité homme-femme, est un vieux sujet dont les problèmes ont été posés depuis le Moyen Age et que, outre l’intérêt culturel qu’on peut y accorder, puisque Lasch parle de l’évolution des relations hommes-femmes en cours du temps, de la conception du mariage et de l’amour, de la « domesticité bourgeoise »; c’est surtout l’occasion de voir que les personnes (homme comme femme) qui traitaient le sujet étaient moins connes qu’aujourd’hui et n’abordaient pas le problème avec une morale victimaire et débile…
Ce qui m’a cependant le plus intéressé dans ce livre, c’est l’analyse que fait Lash de la société patriarcale et de la position de la femme dans celle-ci en Amérique. Les féministes peuvent toujours dire que c’était scandaleux de voir la femme cloisonnée aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants sauf que cette conception de la famille a permis d’atténuer les conséquences néfastes du capitalisme sur l’homme. En scindant le foyer et le monde extérieur gangrené par la loi du marché et la compétitivité, l’homme voyait dans la famille un refuge, un réconfort face à un travail le poussant à l’individualisme. Les femmes par ailleurs n’étaient donc pas soumises à cette culture individualiste et ont participé, grâce à leurs valeurs matriarcales, à de nombreuses réformes humanistes au dix-neuvième siècle (abolition du travail des enfants, établissement des tribunaux pour enfants, construction de logement sociaux, instauration de l’inspection des usines, renforcement des lois sanitaires...).
Lasch en vient à la conclusion que « les femmes étaient des citoyennes plus actives avant d’obtenir le droit de vote qu’après l’avoir obtenu, en partie parce qu’elles avaient tout intérêt à prouver qu’elles pouvaient agir de façon responsable dans le domaine public ».
Il fait par ailleurs les mêmes conclusions que de nombreux autres spécialistes sur l’éducation des enfants élevés dans un confort maternel excessif. Ce fut le cas dans les banlieues d’Amérique où la femme a voulu s’acquitter du travail bénévole pour se concentrer exclusivement sur celui du foyer, conduisant ainsi à des générations de jeunes dépendants, apathiques, ayant aucune ambition et une absence de désir de compétitivité… Voilà ce que crée notre société féminisée, des générations d’assistés… Super !
On en vient aussi aux droits de votes des femmes dans ce livre, et c’est l’occasion de se foutre (encore plus) de la gueule du film « Les Suffragettes » mettant en scène des femmes un peu connes, croyant que leur condition de travail misérables serait résolue en ayant le droit de vote… Heureusement, beaucoup de femmes du XIXème étaient bien plus intelligentes et donc, plutôt que de venir chouiner, ces dernières (qui n’en avaient rien à foutre du droit de vote des femmes) étaient actives au niveau politique et militaient pour améliorer leur condition de travail et contrer la menace de la pauvreté. Elles ont bien vu que le féminisme, qui traitait de l’émancipation de la femme, ne pouvait en rien résoudre cette menace immédiate et que finalement, le droit d’expression des femmes était quelque chose de secondaire.
C'est aussi l'occasion de se rendre compte, au cours de la lecture, que les deux définitions que l'on donne au libéralisme, à savoir, d'une part, la liberté de l'individu comme principe politique et d'une autre, la suprématie de la loi du marché, sont finalement liées. La volonté, en démocratie, de sacraliser l'individu et par conséquent ses désires ainsi que ses pseudo-libertés en détruisant la tradition patriarcale a permis l'émancipation du capitalisme.
C'est un livre intéressant et qui a le mérite de faire une analyse et non une critique de notre société, laissant ainsi le soin au lecteur de faire son propre avis.