Voyage au cœur de l’hiver, le froid tremble, blanc et magique, dépaysant et léger ; au cœur d’une citadelle enneigée, elle vole par l’imagination d’un écrivain bourré de talent. Le dépaysement est complet, on nage d’abord sur une arche familiale où les éclats de rires, le bonheur, l’insouciance naviguent sur les personnages légers dont l’une se révélera l’héroïne d’une aventure d’une vie, sa vie. Ophélie, l’enfant recluse dans son musée se révèlera impératrice courageuse, songeuse, toujours marbrée de faiblesses, de failles la rendant attachante, vulnérable, une jeune fille tantôt banale, insignifiante, forte aussi, décidée ; d’un mariage qu’elle n’aura pas cherché elle sera obligée. Son prétendant est son opposé, Thorn le glaciale tout aussi fascinant que cette enfant fragile ne s’affaiblira pas quand il ressentira un grain d’amour pour cette maladroite, pourtant le couple ne se dessine pas sous de bons auspices, ils ne s’adaptent pas, ne s’adoptent pas au premier abord. Le temps joint ses mains dans une mélodie atypique, réaliste, les deux protagonistes sont construits dans l’équilibre d’un univers maitrisé, d’une relation prenant son temps, paresseuse peut-être mais grisante sûrement. Ils sont deux animaux méfiants qui, au fil des pages, des lignes se rencontreront. C’est mêlé de sentiments, de ce début que l’on a tous ressenti, de ces inquiétudes connues par tous.
Le réalisme prend une teinte légère, le sombre nuancé de poésie quand on s’immerge dans le décor des arches différentes. Anima puis la Citacielle, toujours cette dualité, l’une est progrès tandis que l’autre se montre féroce, sauvage, un territoire inconnu qui se montrera contrôlé par une horde d’une famille dissipée en plusieurs clans. Alors le mariage devient un enjeu politique, les pouvoirs de notre jeune adorée sont convoités pour une ombre livresque mystérieuse. On s’attache, on se débat, on ne lâche pas les pages : jusqu’au bout on partage l’existence à l’origine calme de la demoiselle transformée en tempête, incertitude, incompréhension ; pour survivre, elle se métamorphosera, c’est là une métaphore d’un bourgeon grandit, devenant rose toujours aimant les principes. La neige s’élance au-delà du roman, on sent, on imagine, les esquisses s’affolent dans notre imagerie collective, d’ailleurs, les références font plaisir car elles parlent d’un onirisme artistique : Myasaki puis A la croisée des mondes, symboles d’une jeunesse, d’œuvres merveilleuses ; Madame Dabos dilue ces petits détails sublimant son intrigue, donnant une magie d’un voyage.


On doute de son intégrité avant d’ouvrir le premier tome, mais, dès ces premières pages l’on se sent happé, enlevé pour vivre dans le métro, dans le train, dans son lit, une aventure au-delà du quotidien ; pour voir des planètes de nouveautés, de poésie subtiles, de décors foisonnant. L’auteur nous invite dans son imaginaire, partageant avec nous non seulement une histoire, une intrigue menée avec délice, mais aussi dans un univers coloré, pétillant, acidulé. Une ronde, une danse dans laquelle se réunissent des existences, des caractères multiples. Ils ne sont pas stéréotypés comme la plupart de ces personnages de papier Young Adult, ils sont chair et ambitions, principes et dévotion, force et faiblesses. De personnage que l’on aimera, d’autre que l’on exécrera, les affinités se délitent, tous ont une tâche d’attachement, une humanité dérivant dans leur prouesse de personnalités marquées.


Je craignais, je ne crains plus. Le coup de foudre n’opère pas car la plume semble hésitante (et je suis méchamment sélective sur le style) seulement elle offre vie à toute une palette, tout un monde flamboyant sous des étendues de neiges ; un peu d’Alice aux pays des merveilles aussi apparait par ces manies amusante d’un lieu changeant, d’une zone de confort jouant avec les habitudes de lecture. L’on aime à se blottir dans ce palais, dans ces ruelles, suivant le sillon de notre jeune pousse innocente. Quelques éléments comiques, cocasses s’imbriquent dans le récit par les attitudes vibrantes de nos préférés, des remarques bien senties jaillissant d’entre les lignes. La présence de l’écrivain tressaute de temps à autre, chose que j’ai vraiment apprécié. Elle connait, elle aime son au-delà forgé. C’est une noyade dans le cœur d’un éternel voyage, une invitation sucré de se plonger dans les aventures fabuleuses d’Ophélie et de Thorn, l’inspiration nordique flottera par les noms et les détails de ce pays enchanteur, un conte se formera, renouant pour les grands avec cette sensation de mélancolie d’une jeunesse perdue mais retrouvée avec ce livre dans nos mains. C’est une française représentant ce genre sur exploité aux Etats Unis, qui peint un chemin pour notre pays. Serait-elle la nouvelle Rowling qu’elle le mériterait totalement.

Celestial
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le 24 janv. 2017

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