Les filles du chasseur d'ours, un nouvel avatar du genre de Nature Writing, très à la mode, ces temps-ci ? Pas vraiment, car ce récit d'émancipation féroce en dynamite les piliers, montrant un environnement hostile et la difficulté de vivre ensemble au sein d'un petit groupe, loin de la civilisation, fût-il composé de sept sœurs, héritières d'un père qui leur a appris à se méfier de la société. Le livre de la Suédoise Anneli Jordahl ne fait pas dans la dentelle avec ces jeunes femmes livrées à elles-mêmes, au sein d'une hiérarchie imposée qui encourage la rébellion de certaines, eu égard aux caractères très dissemblables de ces héroïnes. L'autrice ressuscite au passage le souvenir du regretté Arto Paasilinna, qui nous a enchanté durant de nombreuses années. Mais la manière de Anneli Jordahl est bien plus corsée, la vulgarité ne lui pas peur, alors que l'humour, robuste, emplit des pages où l'on s'ennuie jamais des moments passés auprès de ces rebelles qui boivent, fument et éructent, au nez et à la barbe des bêtes de la forêt primitive finlandaise, non loin de la frontière suédoise, à 150 km des premiers voisins. Chacun tirera les enseignements de ce retour à la nature forcené, avec une dernière partie de roman moins ébouriffante mais toujours passionnante, où la domestication de ces sauvageonnes emprunte des chemins évidemment pas orthodoxes. Anneli Jordahl a écrit bien d'autres romans, pas encore traduits en français, qui le seront peut-être à l'avenir , pour permettre de découvrir si Les filles du chasseur d'ours, à la santé tonitruante, marque une exception dans l’œuvre de l'écrivaine ou, au contraire, trace une continuité dans le peu politiquement correct. A suivre, espérons-le.