Je suis tombé par hasard sur ce bouquin pendant mes vacances, chez un bouquiniste, et, grand fan du film éponyme de Cuaron, j'en ai fait l'acquisition pour la modique somme de 2€, non sans avoir préalablement vérifié qu'il était bien question de la même chose. Et, disons le tout net, bien qu'amateur de polars, je n'ai jamais été un lecteur assidu de Phyllis Dorothy James. Je ne sais pas vraiment pourquoi d'ailleurs, sans doute un essai non concluant, il y a bien longtemps.
Les fils de l'homme (le film) reprend bien le pitch des fils de l'homme (le livre). Oui, c'est bien dans ce sens là qu'il faut le lire : si le film est sorti en 2006, le livre a été publié au début des années 90. Pas de doute, l'un et l'autre nous décrivent un monde dans lequel il n'y a plus eu, pour des raisons non élucidées, de naissances depuis 25 ans. Ce qui nous donne une pyramide des âges de l'humanité qui se décale chaque année un peu plus vers la droite. Pas gai. Et bien évidemment, dans le livre comme dans le film, se produit un petit miracle. Pas bien difficile de deviner lequel.
Mais les points communs s'arrêtent là. Cuaron s'est inspiré de l'idée de P.D James. Mais a considérablement modifié le scénario, en changeant fortement le déroulement et la chute, ainsi que certains personnages. Pas de stratégie marketing ou de synergies derrière tout ça, c'est vraiment une autre histoire. Contrairement à certains bouquins qui sortent après un film à succès ou l'inverse. Et ça fait du bien.
Le ton aussi est différent. La où Cuaron nous livre un opus rythmé, souvent violent, le bouquin est bien plus intimiste, centré sur le personnage de Théo. Il ne s'y passe pas grand chose durant la première moitié, qui distille, par petites touches, une peinture de la société anglaise privée d'enfants et d'adolescents, d'une insondable tristesse. Blues qui va de pair avec celui de Théo, entre des regrets personnels et un monde environnant qui s'étiole un peu plus chaque année. La seconde partie est une fuite dans une campagne anglaise semi-déserte, qui comporte un peu plus d'action, mais insiste sur la dimension psychologique au sein du groupe de fuyards.
Rien à voir avec le film, mais excellent bouquin au demeurant, qui reprend d'ailleurs nombre de thèmes chers à Graham Greene : la religion bien sur (le titre, les Fils de l'homme provient d'un psaume de l'office des morts), la rédemption et la peinture d'une Angleterre décatie regardant avec une morose nostalgie son brillant passé. Evidemment, la situation de la natalité dans le pays permet d'amplifier, de sublimer le traitement par l'auteur de ces thèmes. On y voit un peuple se recroqueviller petit à petit sur lui-même, et attendre la fin tout en cherchant à jouir d'un maximum de confort et de sécurité.
Voilà, un roman original, non dépourvu de références au classicisme britannique (Théo est professeur à Oxford). Recommandé par la maison, quoi.