Laborieusement arrivé à un peu plus de la moitié de ce livre tant attendu, je cale. J'ai vaguement parcouru les quelques centaines de pages supplémentaires par acquis de conscience mais sans aucun plaisir. Le nouveau roman d'Alain Damasio commence pourtant sur les chapeaux de roue. Dès les premières pages, il plonge le lecteur dans une scène d'examen final captivante et particulièrement prometteuse. Lorca Varèse achève sa formation alors qu'il ambitionne de devenir chasseur de furtifs, des créatures pour le moins intrigantes, invisibles pour le commun des mortels et dont on sait alors assez peu de choses. Les éléments seront lâchés avec parcimonie. Peut-être même un peu trop de parcimonie. Là où j'arrête, quatre cents pages plus loin, on n'en sait pas beaucoup plus, même si on se doute que les furtifs dissimulent une allégorie et qu'on peut y voir la frange de la population non connectée, qui vit sans smartphone, ne fréquente pas les réseaux sociaux et n'a en tout et pour tout qu'une vie IRL.
L'action se déroule dans un futur proche. Les citoyens sont hyper-connectés, il ne vient à l'idée de personne de sortir sans son IA personnelle, la publicité, qui est omniprésente, pousse à une consommation excessive et les villes sont les propriétés de grands groupes (LVMH, Orange...). Cette société, qui est une vision peu originale et à peine extrapolée de ce vers quoi nous nous dirigeons, dénonce clairement les dérives du libéralisme, de la dépendance générale à internet et aux nouvelles technologies. Le discours politique, qui est évident, surtout venant d'un auteur très engagé et se revendiquant lui-même comme déconnecté, prend le pas sur une intrigue qui manque de tonus et qui m'a perdu à plusieurs reprises.
Au fil des pages, on en apprend un peu plus sur Lorca Varèse, un personnage qui se révèle plutôt intéressant et qui est, à mon sens, la vraie réussite du livre. Père endeuillé depuis la disparition de sa fille unique et convaincu qu'elle a été enlevée par les furtifs, il intègre l'équipe des chasseurs dans le but de la retrouver. On lui doit quelques passages, beaux et sobres, sur le rapport filial, le manque et l'espoir. Il pose des mots justes sur ces sentiments. En revanche, quand ce n'est pas lui qui s'exprime, on ne peut plus vraiment parler de sobriété. Les furtifs est un livre polyphonique dans lequel l'auteur de La horde du contrevent recycle un procédé narratif qui avait certes fait ses preuves dans son précédent roman mais qui ne fonctionne plus aussi bien. Les différents personnages utilisent un langage parsemé d'une ponctuation propre à chacun, bariolé, bourré de barbarismes et de langues mixées. D'abord exigeante, la lecture devient à la longue vraiment difficile. Sur sept cents pages c'est même indigeste.
Bref, j'ai abandonné.
Le problème vient-il de l'auteur, de l'éditeur ou du lecteur ? Ou des trois ? Ou de tout à fait autre chose ? À mon humble avis, il aurait fallu sérieusement défricher tout ça. En couper un bon tiers. On y aurait vu plus clair. Et j'aurais peut-être terminé le livre.
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