Il s'agit du roman à l'origine de l'excellent film éponyme de Denis de la Patellière (1958) dont j'ai établi une chronique il y a quelques mois.
Ce roman est, en fait, la première partie d'une saga familiale qui comprend deux autres ouvrages écrits entre 1948 et 1951. Curieusement, je n'ai jamais éprouvé le besoin de continuer ma lecture au-delà du premier et je me souviens de m'en être posé la question à chaque relecture de ce roman. Peut-être, parce qu'il se suffit à lui-même et que la suite n'est que la description de la déchéance de la famille qui part en vrille. Peut-être aussi que je préfère m'en tenir à ce que le film a retenu du roman. C'est-à-dire essentiellement les quatre premiers chapitres (sur six) qui se terminent par le suicide de François, l'effondrement de Jacqueline, sa femme et la bataille boursière menée par le père, Noël. François et Jacqueline sont les deux personnages que j'aime beaucoup. Je préfère m'en tenir là, car je n'ai surtout pas envie de m'apitoyer sur ceux qui leur survivent. Déjà, les deux derniers chapitres me paraissent affadir le propos achevant le roman par la normalisation de la situation familiale : Jacqueline rentre dans le rang (avec l'appui de la religion …) et Lucien Maublanc fera l'objet d'une vengeance de la part de Noël Schoudler, efficace mais soft aux yeux de tout le monde, beaucoup trop légaliste à mes yeux.
Et je reconnais bien entendu que je reste très influencé par le film avec son interprétation magnifique des personnages servis par des dialogues d'Audiard, insurpassables.
Le roman a, comme toujours, l'avantage sur le film de mieux détailler les personnages et les situer dans un contexte socio-économique. D'ailleurs ici, on est dans l'entre-deux-guerres (années 20 et suivantes mais s'achève avant le krach de 1929) tandis que le film se situe résolument dans les années 50.
On apprécie dans le roman cette vision noire de cette grande et très riche bourgeoisie (catholique, de surcroît), alliée à une aristocratie déclinante dont on n'apprécie que le nom, qui détient le pouvoir, qui reste sur ses principes et ne veut pas en déroger. D'un point de vue moral, on n'admet pas, par exemple, les naissances hors mariage et quand, par "malheur", ça arrive, on se débrouille pour bricoler, vite fait sur le gaz, une union de façade avec quelqu'un du même monde. D'un point de vue financier ou industriel, on n'admet pas le rajeunissement de l'encadrement et les idées nouvelles. Les idées nouvelles "coûtent" mais surtout mettent trop en évidence les lézardes sur la façade et donc une faiblesse de ceux qui sont aux manettes. Quitte à ce que, dans le dos des novateurs, on se réapproprie certaines des idées.
Ce roman reste une bonne description, avec quelques pointes de férocité bienvenues, de l'atmosphère et des mœurs pendant l'entre-deux-guerres de ces dynasties industrielles et financières nées au XIX -ème siècle et qui tentent de perdurer au XXème.