Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
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Intrigué par le titre, je commandais le livre. Spécialiste de la Perse, Thomas Flichy enseigne l’histoire à la Sorbonne et à Saint-Cyr. Ce court essai est la synthèse, brillamment illustrée par Pascal Lemaître, de travaux antérieurs. Après les crises du Ve (la chute de Rome) et du IXe siècle (les raids nordiques), l’Europe est confrontée à une nouvelle vague de migrations.
Dans une première partie, l’auteur détruit le mythe d’invasions barbares submergeant les paisibles et assoupis empires, les hordes de Huns, Tartares, Mongols et autres Goths, déferlant sur nos campagnes. Les chroniqueurs surestiment leur nombre, compensé, il est vrai, par une mobilité et une agressivité hors normes. Les frontières cèdent sous l’effet conjugué d’un affaissement démographique et de la « perte du sens de réalité de leurs élites, les migrants n’étant que les spectateurs d’un effondrement intérieur qu’ils se sont contentés d’accélérer. »
Dans un second temps, il rappelle que nous ne sommes pas confrontés à des envahisseurs, mais à des migrants qui, individuellement, ont franchi désert et/ou océan. Ce ne sont pas les plus déshérités qui s’exilent, mais les plus audacieux, qui débarquent coupés de leur filiation et de leurs traditions.
Coup de grâce ou stimulant ? Question de vitalité-agressivité, de résilience culturelle ou militaire. Si l’Empire romain d’Occident s’effondra, la pression scandinave sur la chrétienté occidentale précipita la fusion d’un royaume d’Angleterre et l’émergence des Capétiens en France. Les deux villes en pointe de la résistance, Londres et Paris, supplantèrent les antiques capitales de Winchester et Laon.
En conclusion, l’historien cède la place au prophète : son augure est sombre. Sauf surprise, si notre culture survit, ce sera dans les réduits montagneux et les territoires périphériques. Qui vivra verra…
PS. Thomas Flichy de La Neuville partage avec Olivier Hanne, la définition du concept de géoculture qu’ils définissent comme « l’analyse des phénomènes géopolitiques et historiques qui part des rapports identitaires et mémoriels : l’ethnicité, le temps, la religion, la perception collective, la nation et le rôle de la géographie naturelle dans son rapport aux populations. Si le poids des facteurs économiques n’est pas négligé, il est perçu comme dépendant d’éléments intégrateurs plus existentiels » résumés dans la « capacité des civilisations à perpétuer la vie ». En gros l’argent et l’économie n’expliquent pas tout ! Là, j’adhère !
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le 17 sept. 2016
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