Les heures semble être le roman phare de l'oeuvre de l'auteur de La maison du bout du monde, lu il y a déjà plus de quatre ans.
Virginia, Clarissa et Laura sont trois femmes à trois époques différentes. La première, l'écrivain Virginia Woolf, se noie volontairement dans une rivière dès les premières pages du roman. Les deux autres ont un lien avec elle que le lecteur découvre petit à petit, une connexion à la fois évidente et pas tant que ça car ce sont des femmes comme il en existe des millions sur Terre. Elles cherchent leur place dans un monde où elles se sentent ni libres ni heureuses. A quelques décennies d'intervalle, les heures s'étirent pour chacune d'elles au cours d'une journée, compliquée comme tant d'autres, de leur existence.
C'est l'occasion pour Michael Cunningham de déployer sa plume sensible en esquissant le portrait de ses héroïnes ordinaires, personnages désenchantés et submergés par un mal de vivre invisible à l'oeil nu. Davantage que celles de Virginia et de Clarissa, la trajectoire de Laura m'a particulièrement absorbé. Son histoire, drame intime de la mère au foyer des années quarante, est banale et donc à mes yeux d'autant plus touchante. Comment avancer jour après jour lorsqu'on ne se sent pas au bon endroit, que les choses simples de la vie ne sont pas naturelles et demandent un douloureux effort quotidien ? Comment donner le change au sein d'une société qui, vingt ans avant la libération féminine, n'est pas préparée aux comportements qu'elle considère borderlines ? Du destin de Laura, les dernières pages proposent un épilogue suggéré avec économie mais aussi finesse.